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Cher menteur
Troisième activité de ce mois de mars : un déplacement au Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve afin d’y écouter la superbe pièce « Cher Menteur » interprétée par Jacqueline Bir et Armand Delcampe, deux tout grands comédiens belges.
La pièce en elle-même est une pièce de théâtre épistolaire. Le texte admirablement bien adapté par Cocteau emporte le spectateur dans le monde de l’Art, celui du spectacle incarné par deux grands personnages.
Le sujet de la pièce est le suivant. Pendant 40 ans, l’auteur irlandais George Bernard Shaw et la comédienne britannique Stella Campbell ont échangé une correspondance passionnée. Vouées à la disparition, ces lettres écrites entre 1899 et 1940 ont reçu un visa pour l’éternité grâce à une adaptation théâtrale dont le répertoire ne démord pas. Cette pièce est jouée depuis 1960.
Jacqueline Bir interprète Stella Campbell, talentueuse comédienne du début du siècle dernier. Armand Delcampe assume le rôle de Georges Bernard Shaw. Ils viennent tous deux de deux mondes différents. Shaw est absorbé par son oeuvre, il fait preuve d’un égoïsme exacerbé; elle est généreuse d’elle-même comme doivent l’être les acteurs. Elle extériorise beaucoup, alors que lui est un homme d’esprit, très cérébral.
La pièce relate le parcours de la grande comédienne, depuis la réussite personnelle et l’éclat qui entoure sa vie jusqu’à sa déchéance et sa solitude. A la fin de son parcours, elle fait preuve d’une dignité sublime. Nous devinons, entre les lignes de ses lettres, la misère dans laquelle elle se trouve, mais elle ne s’attarde pas sur cet aspect de son quotidien. Le texte porte donc aussi la tragédie de cet être humain, qui a accompli tout ce qu’il fallait pour être adulé, entouré, puis qui finit sa vie terriblement seul.
Ces deux vies se rencontrent au sommet de leur art, partageant une même volonté de communion avec le public, un même désir de beauté, puis qui se désagrègent. Dans cette pièce, il y a l’écart entre le halo qui encadre les deux protagonistes et l’aspect anecdotique des propos qu’ils échangent : c’est le quotidien le plus banal qui fait le fil de leur correspondance. C’est en quoi la pièce est excessivement humaine. Montrer ce parcours de deux vies humaines, de la maturité à la fin de la vie, de la gloire à la misère chez deux monstres sacrés comme ces deux personnalités, permet de mettre en valeur la force du récit de vies. Pour le public, l’humanité qui se dégage de cette correspondance apparaît alors dans une terrifiante clarté : derrière le vernis de l’ art se cachent un homme et une femme ordinaires.
L'interprétation magistrale de ces deux artistes talentueux nous a ravi. Nous avons admiré leur éloquence, leur capacité de mémoire à leur juste valeur.
Nous voici maintenant au printemps et c’est avec un très grand plaisir que je vous retrouverai pour nos escapades mensuelles.