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Ruysleede - Ooidonck

La région choisie pour l’excursion était la Flandre orientale. La première visite s’est déroulée dans un petit village, qui ne se différencie en rien d’un autre bourg campagnard mais qui abrite, en son tout petit zoning industriel, une firme extraordinaire. La firme Maene qui ,depuis plus de 60 ans, s’occupe de la vente et  de la restauration d’instruments de musique : pianos, clavecins entre autres.

La collection d’instruments présentée dans ses locaux est vraiment unique. Des pianos pour débutants  jusqu’aux prestigieux pianos Steinway, les meilleurs au monde mais qui coûtent des fortunes, des clavecins des 16ème et 17ème siècles, des orgues. Il faudrait des jours pour tout regarder en détail.

Nous avons été chaleureusement accueillis avant de débuter la visite de la firme. Salle d’exposition et atelier, tout a été visité. Monsieur Maene et son adjoint nous ont ensuite expliqué que l’industrie de la musique regroupe des activités telles qu’écouter de la musique, jouer d’un instrument ou le fabriquer. A l’heure actuelle lorsqu’une personne désire acquérir un instrument, elle achète presque toujours un produit de masse.

La firme Maene se place au niveau artisanal. Mais pour cela, il s’agit de posséder de nombreux atouts et notamment la qualité, le talent, la persévérance et les possibilités financières. Le fabricant d’instruments se doit d’être polyvalent. Cet art englobe une multitude de spécialisations parmi lesquelles l’une se rattache  à l’esthétique et l’autre à la science. Pour construire et restaurer des instruments, il faut non seulement disposer de bon goût et d’une oreille particulièrement exercée, mais également connaître les secrets de fonctionnement de la caisse de résonance, de la mécanique et de l’acoustique. Un savoir-faire s’acquiert grâce à la connaissance du passé et à l’expérimentation des matériaux et techniques de construction. Cela nécessite de lourds investissements de la part du fabricant d’instruments, non seulement dans la recherche et dans la main d’oeuvre, mais également dans l’achat de matières premières coûteuses, des années de stockage, des ateliers chauffés et climatisés, des garanties de qualité et un service impeccable.

L’atelier Maene s’est inspiré du modèle de travail des ateliers d’art des 17ème et 18ème siècles contrairement à certains fabricants artisanaux qui adoptent souvent une attitude individualiste. Anciennement, la qualité et le succès reposaient sur le principe de l’atelier où le bon goût, les connaissances et le savoir-faire étaient transmis d’une part par le maître à ses compagnons et à ses élèves mais d’autre part grâce à l’échange d’informations avec d’autres ateliers. On attendait du maître qu’en plus de son talent il possède également le don de former non seulement des collaborateurs mais également d’ajouter ses connaissances et ses idées à son travail pour ainsi lui donner une plus-value.

Gottfried Silberman (1683 à 1753), l’un des plus célèbres fabricants d’instruments, connu pour ses clavicordes, ses clavecins, ses pianofortes et ses orgues, prouve que l’on exerçait le métier de constructeur d’instruments dans le sens large du terme. De même l’atelier de Monsieur Maene, avec ses collaborateurs issus de Belgique, des Pays-Bas, de France, de Pologne, de Bulgarie, de Grèce et du Japon est un creuset de connaissances et de savoir-faire. Ces derniers mois, l’atelier a produit, entre autres, des instruments pour le Conservatoire National Supérieur de Paris, l’Opéra National de Finlande, l’Université de Californie et de Hong Kong. Comme dans le passé, la fabrication artisanale d’instruments devra toujours s’insérer dans un contexte économique, ce qui rend l’artisanat d’art tellement complexe et déconcertant et qu’il en devient l’une des formes artistiques les plus négligées. L’on se pose des questions pour savoir si la fabrication artisanale d’instruments est encore économiquement viable de notre temps. Monsieur Maene souhaite conserver le patrimoine artistique, tant par respect du passé qu’à l’égard de l’avenir.

Pour terminer la visite nous avons eu droit à un concert superbe qui nous a permis d’écouter les oeuvres suivantes, magistralement interprétées 

« Prélude et Fugue en fa mineur »de J.S. Bach au clavecin
« Fugue en sol mineur » de J.S. Bach à l’orgue
« Sonate en do majeur » de J. Haydn au forte-piano
« Adagio » de la sonate en do majeur de L Von Beethoven au forte-piano
« Toccata » de A. Khatchaturian au piano droit Steinway.

Tous les morceaux ont été interprétés par Mr Kristiaan Seynhave. Il nous faisait remarquer au passage les différentes tonalités répercutées par la caisse de résonance et bien d’autres détails encore. Personnellement, je n’ai qu’un seul regret, c’est de ne pas mieux connaître la musique pour apprécier cette visite à sa juste valeur. De toutes façons ainsi, c’était déjà un ravissement.

En seconde partie de journée, nous avons visité le château d’Ooidonk, situé dans le village de Bachte-Maria-Leerne, village fusionné avec Deinze.

Aux 13ème et 14ème siècles, la forteresse d’Ooidonk était la propriété des seigneurs de Nevele qui y déléguèrent un chapelain vers 1230. Il s’agissait d’un certain « Nicolas de Hodune ». Le mot hodune qui signifie littéralement « éminence dans un marais » allait devenir plus tard « Ooidonk ». Le choix de ce site pour y implanter un château fort était dû à des conditions d’ordre stratégique. La forteresse faisait partie de la ligne de défense de Gand. Son rôle était d’empêcher le passage vers la Lys, tout comme celui du château de Laarne était de protéger l’accès à l’Escaut. Au 15ème siècle, le domaine devient la propriété de la famille de Montmorency qui y reste pendant 160 ans. C’est la période la plus troublée et la plus tragique dans l’histoire du château. Comme les seigneurs prennent successivement parti pour le roi de France et les ducs de Bourgogne, le château est toujours la cible de l’un des deux camps rivaux. C’est ainsi qu’en 1491, il est pris et incendié par les milices gantoises au cours de la lutte sans merci que Maximilien d’ Autriche livre aux villes flamandes de Gand, Ypres et Bruges.

Philippe de Montmorency termine la restauration en 1501 et c’est à Ooidonk que Philippe II de Montmorency, le futur comte de Hornes passe là une partie de sa jeunesse. Plus tard, en 1568, il sera décapité sur l’ordre du célèbre Duc d’Albe. Le château est à nouveau incendié en 1579 et les Montmorency se trouvant sans ressources vendent le domaine au grand financier Martin della Faille qui gère une banque importante à Anvers. Il reconstruit Ooidonk en style hispano flamand avec tout le luxe de la renaissance. Je vous passe la liste de quelques propriétaires successifs pour arriver en 1864, date à laquelle, le château, le parc et les champs, les prés et les bois sont vendus au baron ‘t Kint de Roodenbeke, futur président du Sénat belge et arrière grand-père du propriétaire actuel.

Rien n’est connu du château qui s’élevait sur le site actuel. Il est vraisemblable que le château médiéval comptait quatre lourdes tours, dont les deux qui flanquent le bâtiment actuel. Les deux autres, autrefois intégrées dans l’ensemble, se dressaient aux coins d’une vaste esplanade. Elles étaient reliées l’une à l’autre par une courtine et un tunnel. Le château était alors entouré de profondes douves. Les fondations des tours actuelles ainsi que les vastes caves qui se prolongeaient par des souterrains jusque dans les champs voisins appartenaient certainement à la forteresse primitive. Ce n’est qu’au début du 17ème siècle que le château prend l’allure qu’on lui connaît aujourd’hui. Il n’a plus l’air d’une forteresse grâce aux nombreuses baies qui y laissent pénétrer la lumière. Il est devenu une très belle et confortable résidence, toujours occupée à l’heure actuelle. La grande restauration de 1870 est confiée à l’architecte français Parent qui reçoit pour mission d’adapter le château aux exigences du confort de l’époque. L’intérieur en est habilement rénové avec des galeries et des salons de style Louis XV–Louis XVI. Le mobilier rassemblé par les différentes générations qui se succèdent au château comprend des meubles rares, des bibelots, des tableaux et des objets d’art, dont chacun à sa propre histoire comme par exemple le coffre de voyage qui a appartenu au roi d’Espagne Philippe V, une table Louis XVI fabriquée pour le Grand Dauphin, petit-fils de Louis XIV, le roi soleil, et un meuble Boulle qui aurait appartenu à Fouquet, le surintendant des Finances. Les vitrines et galeries contiennent des argenteries aux poinçons célèbres et de fines porcelaines de Sèvre. Les murs sont tendus de tapisseries de Beauvais. Plusieurs portraits de personnages connus ornent les murs. Ils s’y trouvent également de nombreux souvenirs de la dynastie belge, principalement du roi Léopold Ier et de ses épouses successives, la princesse Charlotte d’Angleterre et le reine Louise- Marie.

Ooidonk est également une grande oasis de verdure. Le domaine se situe dans une boucle de la Lys qui serpente dans un paysage poétique qui a inspiré à maintes reprises les peintres des différentes écoles de Latem-Saint-Martin. Fleurs, verdure et pièces d’eau enlèvent la sévérité au château. Les jardins à la française proposent des parterres multicolores. Dans le parc croissent des chênes, des tilleuls, un tulipier et autres espèces.

Très belle journée, très intéressante mais temps exécrable, surtout en matinée !