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La Bruges insolite

 

Sauvenière, fin août 2002

Bonjour à vous tous,

Qui ne connaît Bruges, centre d’intérêt de milliers de touristes, avec ses canaux où filent majestueusement sur l’eau les cygnes altiers, son Pont des Soupirs, son Béguinage, ses monuments historiques ? Bruges, Capitale culturelle de l’Europe en 2002  était notre destination de ce mois, non pour tous ces sites que nous avons déjà visités à maintes reprises, mais bien pour les visites mises sur pied dans le cadre de cette année exceptionnelle. Il fallait lui consacrer au moins une sortie au cours de cette saison. Profitons-en pour donner quelques notes historiques au sujet de cette superbe ville. 

Dans les années 8OO, Baudouin Ier, dit Bras de Fer fait  construire sur la Reie, à l’endroit précis où allait se développer Bruges, une forteresse destinée à tenir les Normands à distance. 

Au Xème siècle un établissement commercial vient s’implanter près de la forteresse et un  marché annuel y est organisé. L’essor de Bruges est lancé et dès 1127 la vile possède une charte et un tribunal échevinal.

Au début du XIIIème siècle, le commerce et l’industrie, surtout l’industrie drapière sont florissants. A l’apogée de sa prospérité, Bruges compte environ 40.000 habitants. Elle en compte aujourd’hui 116.000. 

Le pouvoir restait cependant aux mains des marchands. Il existe une deuxième classe, les artisans, moins riches, mais qui bénéficient de l’appui du comte. Les patriciens, quant à eux prennent fait et cause pour le roi de France. Lorsque la ville atteint le sommet de sa puissance commerciale, Philippe le Bel, roi de France, fait main basse sur la Flandre, et donc sur Bruges  et jette le comte de Flandre en prison. 

Mais en 1302, tandis que les patriciens collaborateurs sont massacrés par le peuple en révolte lors des célèbres Matines brugeoises, les Français connaissent la défaite à Courtrai, au cours de la bataille des Eperons d’Or. A Bruges, l’oligarchie commerçante est brisée, les gildes et les corporations peuvent désormais participer à la direction de la ville. 

Le XIVème siècle est pour Bruges un nouvel âge d’or : la ville est devenue le lieu d’entreposage de la laine, le siège des villes de la Hance ainsi qu’un  marché mondial  où les représentants de dix sept nations possèdent leur maison. 

Les arts, plus que jamais, sont florissants. Au cours de ce siècle, les ducs de Bourgogne transforment la ville en un véritable éden, où se succèdent les fêtes de cour, les joutes et les tournois, des spectacles auxquels assiste l’Europe entière.  Mais déjà, les signes avant coureurs du déclin se profilent à l’horizon. Le Zwin, l’artère vitale qui relie Bruges à la mer, ne cesse de s’ensabler et Anvers s’affirme de plus en plus comme un redoutable concurrent.

Après l’époque bourguignonne, Bruges passe aux mains des Autrichiens. Maximilien d’Autriche ordonne aux marchands étrangers de se fixer à Anvers. C’est le coup de grâce pour Bruges ; l’âge d’or appartient définitivement au passé. 

En 1604, la fermeture du Zwin en tant que voie commerciale est décrétée et Bruges s’endort pour des siècles. 

En 1892 enfin, la publication du roman de Georges Rodenbach, « Bruges la Morte » marque le réveil et la redécouverte de la ville. Elle devient dès lors une ville touristique et sa réputation devient mondiale. 

Puisque l’on parle d’écrivains, citons les paroles de quelques uns d’entre eux : 

Charles Baudelaire se comporte en véritable médecin légiste en disant de Bruges : « ville fantôme, ville momie, cela sent la mort, le Moyen âge, Venise.. » 

Quant à Emile Verhaeren il dit : la ville est fière, et douce, et grande par la mort. » 

D’autres poètes ont chanté Bruges : Longfellow, Rilke, Guido Gezelle, Malarmé et notre inoubliable Jacques Brel.

Bruges s’est donc réveillée. L’horticulture s’est maintenue dans certaines zones, une industrie variée s’est développée en périphérie et surtout autour de Zeebrugge dont le port industriel s’agrandit chaque année alors que le port de pêche abrite 50% de la flotte de pêche nationale. Mais le tourisme demeure la principale source de revenus aussi bien à Zeebrugge qu’au centre ville. Et c’est en  excellente gestionnaire de son passé que Bruges utilise les techniques et les matériaux les plus modernes pour restaurer les monuments et assainir les canaux afin de les rendre à leur véritable destination. On a ainsi évité la création d’une ville musée, pour repeupler au contraire les vieux quartiers et refaire de Bruges une cité bien vivante et bien de son temps. Grâce à cette politique intelligente, elle peut être qualifiée de « ville pilote de la rénovation urbaine ». 

En ce qui concerne notre visite de Bruges elle sort un peu des sentiers battus. Nous avons parcouru des quartiers où sont particulièrement présentes les traditions religieuses, littéraires et artisanales, loin du cœur de Bruges. 

Nous nous sommes d’abord dirigés vers le quai de la Poterie. Là, derrière de hauts murs se cache le séminaire épiscopal qui occupe l’ancienne abbaye cistercienne construite en 1627 par les moines de l’abbaye des Dunes de Coxyde. C’est dans cet endroit feutré et d’habitude inaccessible au public  que nous avons découvert une superbe collection de manuscrits médiévaux. Ces manuscrits, parmi lesquels figurent de véritables trésors de la culture occidentale, sont exceptionnellement présentés au public. Exposition extraordinaire ! On y découvre 107 manuscrits appartenant au trésor des livres des abbayes cisterciennes de Ten Duinen, Clairmarais et Ter doest. Ces ouvrages remontent au 12ème siècle. Les bibliothèques médiévales passaient pour être des centres d’étude destinés aux moines, qui étaient en même temps prêtres, étudiants ou professeurs, scientifiques ou collectionneurs bibliophiles. Tout ceci se reflète dans une gamme incroyablement large de textes et d’images : la Bible, l’héritage fabuleux des cultures classiques, juive et arabe, la théologie et les sciences exactes, le droit et le renouveau humaniste.

Différents domaines nous sont présentés : 

- la bible qui contient la parole de Dieu

-la scholastique qui nous fait entrer dans le monde des universités qui renouvelèrent la vie intellectuelle à partir de +/- 1200

-l’histoire que les moines médiévaux considéraient avant tout comme l’histoire des actions de Dieu vis-à-vis de l’humanité

-la spiritualité et la liturgie
-le droit canon et romain
-la médecine
-la philosophie
-l’humanisme. 

Toutes ces disciplines sont ici traduites en de merveilleux ouvrages, écrits à la main ou déjà imprimés, ornés de miniatures ou initiales ouvragées, calligraphiées, ornées de couleurs et d’or. Un véritable régal pour les yeux. 

Les concepteurs de cette exposition ont voulu tisser un lien avec l’art contemporain qui, tout comme les enluminures, exprime l’esprit d’une époque. Ces artistes contemporains sont respectivement José Maria Sicilia qui fait montre d’un grand
intérêt pour les objets qui nous entourent tous les jours, Guiseppe Penone qui nous présente un arbre de Jessé symbolisé et David Claerbout qui s’exprime par des procédés modernes tels que l’ordinateur, la vidéo et des effets lumineux et sonores. 

Quant au Grand Séminaire, de nos jours, il s’occupe de la formation des prêtres du diocèse de Bruges. 

Il m’est très difficile de faire un résumé de ce que nous avons vu l’après-midi. 

Tout d’abord nous étions séparés en deux groupes et chaque guide nous faisait faire une promenade «insolite » parmi les rues et ruelles de Bruges,

nous apprenant que dans telle maison avait logé tel ou tel écrivain et narrant une anecdote à son sujet, relevant un détail architectural ou ornemental de ces immeubles.

 

Le temps était clément, cela a donc été une merveilleuse après-midi de promenade dans cette magnifique Venise du Nord et un rafraîchissement largement mérité attendait les Copines et Copains assoiffés.

En préparant la documentation pour notre sortie, je suis tombée sur un texte assez insolite, qui a rapport à Bruges et dont je vous fais part. 

Le 27 mars 1482, Marie, duchesse de Bourgogne, mourait à Bruges, des suites d’une chute de cheval. Elle fut inhumée en grande pompe par les Brugeois qui adoraient leur souveraine âgée de 25 ans à peine. Au cours de la Révolution française, la sépulture aurait été endommagée par les sans culottes en quête d’éventuels trésors. Elle fut restaurée en  1806 par Napoléon, dont la nouvelle épouse, Marie Louise d’Autriche était une lointaine descendante de Marie de Bourgogne. 

En 1979, des fouilles furent entreprises à l’endroit où la duchesse était enterrée, fouilles au terme desquelles il était prévu d’ériger côte à côte les tombeaux de Charles le Téméraire et de sa fille Marie devant le maître-autel de l’église. Les archéologues découvrirent très vite la tombe qui contenait un squelette et dont l’une des parois avait été défoncée à une époque ultérieure à celle de l’inhumation. Etait-ce la trace du passage des Révolutionnaires, à qui la tradition impute en outre l’éparpillement des ossements ? Si le caveau correspondait en tout cas aux descriptions anciennes qui mentionnaient une belle cave voûtée, décorée de fresques, qu’en était-il du squelette ? Celui-ci, qu’un premier examen paléontologique attribuait à une femme décédée vers l’âge de 25 ans, fut confié au Docteur Paul Janssens, une sommité dans le domaine de l’ anthropologie et de la paléo-pathologie. 

Après une étude approfondie, le Dr Janssens conclut à l’identification formelle des restes de Marie de Bourgogne dont il avait fait comparer  les photos du crâne au portrait réaliste qui ornait son mausolée. Les lésions relevées sur l’ossature permirent même de déterminer avec précision les causes du décès.

La jeune femme montait en amazone lorsque son cheval trébucha et tomba, écrasant la cavalière. Quatre côtes cédèrent et trouèrent le tissu pulmonaire. Les bras aussi furent blessés dans la chute, comme l’indique la position anormale des mains du squelette : la gauche, complètement retournée vers l’arrière, la droite repliée intérieurement vers l’avant-bras. L’accident dont elle fut victime ne remet pas en case les qualités de cavalière de Marie de Bourgogne dont le squelette présente des déformations des jambes caractéristiques d’une pratique assidue de l’équitation. 

Vu le lignage prestigieux auquel elle appartenait, les obsèques de la fille du Téméraire s’entourèrent d’un faste inouï  que rehaussa encore la présence de princes venus des quatre horizons. La préparation de la cérémonie exigeait pour le moins un mois, au terme duquel le corps devait apparaître intact. Un embaumement s’avéra donc nécessaire. Une première tentative d’extraire le cerveau, par un orifice pratiqué au marteau et au ciseau, échoua : il fallut donc trépaner la tête, préalablement détachée du tronc. Le corps fut ensuite placé en position de prière grâce à de nombreuses incisions et à l’insertion de broches. Deux détails encore restituent la vivante image de cette « gente dame » : avec 1,62 m. Marie était grande pour l’époque ; elle n’avait en outre que 21 dents, une anomalie génétique semble-t-il, qui signerait, bien plus que son patronyme, son appartenance à la lignée des ducs de Bourgogne. Le gisant de Marie de Bourgogne se trouve dans l’église Notre-Dame.

J’ai le plaisir de vous annoncer ici deux spectacles sélectionnés à ce jour pour des soirées d’hiver : 

Nous irons à Liège, le samedi 21 décembre afin d’aller écouter « Chantons sous la pluie »

Ensuite le vendredi 28 mars, l’opéra Le Trouvère de Verdi.

De plus amples renseignements vous parviendront en temps utile…