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Dans le milieu de la drogue
par Mr John Vervecken

Sauvenière, fin décembre 2002,

 Bonjour tout le monde,

Notre conférence de décembre devait être animée par Monsieur Ed. Blattchen : pour cause de santé, il a malheureusement décliné cette invitation quelques jours avant la date prévue, à son grand regret je puis vous l’affirmer.  C’est donc  pratiquement au pied levé que j’ai dû trouver un autre conférencier. Monsieur John Vervecken, psychothérapeute a bien voulu venir tout en me prévenant qu’il ne disposait pas du temps matériel nécessaire pour préparer une conférence. Son discours a donc été très spontané, tentant de nous expliquer en quoi consiste son engagement vis à vis des drogués et de leur famille.

Il exerce sa profession dans un centre d’accueil situé à Gilly, région défavorisée s’il en est. Plusieurs disciplines conjuguent leurs efforts pour cette assistance : médecins, psychologues, assistantes sociales, psychothérapeute.

Il faut tout d’abord que le jeune en difficulté décide de lui-même de rejoindre ce centre.
Il nous a raconté un cas typique : un jeune arrive au centre qui fonctionne jour et nuit et y reste une dizaine de jours.
Il décide de rompe son contrat moral devenant de plus en plus nerveux, ne supportant pas d’être enfermé, lui qui, depuis l’enfance, avait l’habitude d’être « libre » dans la rue, personne dans son entourage n’ayant cru bon de lui imposer un minimum de scolarité. Il ne supportait donc pas les contraintes inhérentes à la vie de groupe. Les éducateurs se relayaient sans relâche  pour contenir ses débordements, ses demandes constantes d’attention et pour développer ses capacités relationnelles qui restaient très frustres. Mais rien n’y fit. Toute l ‘énergie consacrée à ce patient ne semblait pas très productive mais contre toute attente il reprit contact après quelques semaines. Il avait re-consommé le jour même de sa sortie, mais il s’était adressé à un service ambulatoire en vue de limiter la casse.
Durant son court séjour au centre il avait néanmoins accepté de s’entretenir avec les éducateurs et le médecin, dans la mesure ou tout concernait uniquement ses plaintes et revendications du moment.
Tout le monde sentait que la relation était tendue et que la moindre pression le ferait fuir en ruinant le peu d’alliance qui avait pu se tisser. Délibérément, le patient avait occulté ses relations avec sa famille.
Celle-ci se manifesta dès le lendemain de son départ. .Ayant préféré ne pas suivre notre proposition d’en prévenir ses parents, le retour chez eux fut fort agité. Le père reprocha d’avoir relâché son fils trop tôt.
Cette interpellation leur permit de proposer un entretien familial. Il ne fut pas accepté d’emblée, ni par le patient, ni par la famille.  Une date fut finalement retenue. L’entretien fut très tendu. Il était évident que la famille, et le père en particulier, étaient blessés dans leur fierté. Il fallut beaucoup de tact à toute l’équipe pour ne pas renforcer le sentiment d’humiliation qu’ils éprouvaient à devoir débattre de leurs difficultés existentielles devant des étrangers.
Vous vous rendez compte par ce simple récit des difficultés rencontrées pour parvenir à venir en aide aux patients. Surconsommant sur son traitement de méthadone, peu scolarisé, n’ayant pas d’autre expérience qu’une formation professionnelle abandonnée après un an, pas d’amis non consommateurs, ayant développé dès le début du sevrage beaucoup d’anxiété sur fond dépressif, avec des somatisations importantes, il réintégra l’institution à différentes reprises.
La situation de ce patient se dégradait de plus en plus tant sur le plan physique, que sur le plan judiciaire et familial. Les travailleurs du centre commençaient à désespérer de pouvoir arriver à un changement chez ce jeune. Ils dépensèrent beaucoup d’énergie en ayant toujours en point de mire la partie restée vivante et en souffrance, mais occultée la plupart du temps par des défenses infantiles.
Est-ce la mort d’un ami par overdose, la lassitude, l’épuisement de la fonction antalgique du produit ? Le patient parvint finalement à mener son projet à bien.
Le jour où enfin les membres de l’équipe soignante l’accompagnèrent pour son entrée en postcure, ils étaient soulagés de voir que quelque chose se mettait en place, mais d’un autre côté ils devaient bien admettre que, même aidés des regards psychologiques, psychiatriques, analytiques ou systémiques ils ne comprenaient pas grand-chose à cette affaire. Ce patient comme tant d’autres les laissaient avec leurs questions. Le sevrage était-il une bonne indication, le traitement de substitution l’avait-il aidé etc…

Ils l’ont revu après deux ans : il vivait en couple, s’était plus ou moins stabilisé, mais de l’aveu même du patient il pouvait ne pas promettre qu’il ne rechuterait pas.

Monsieur Vervecken nous a encore parlé de la difficulté qu’éprouvait les enfants lorsque leur père biologique avait abandonné la famille et qu’un parâtre s’installait à sa place auprès de leur mère .En cas de séparation de ses parents, il est essentiel, quel que soit son âge, quels que soient les griefs entre les parents, jusqu’à un certain point quel que soit le désir exprimé par l’enfant, que la société se mobilise afin de lui permettre de maintenir un lien stable avec le parent non cohabitant, tant que celui-ci n’est pas démissionnaire de sa responsabilité parentale. C’est en général le père qui est absent.  De très nombreuses études concernant des difficultés spécifiques du jeune adulte (toxicomanie, délinquance), consacrent invariablement un chapitre aux défaillances de la fonction paternelle.

D’autre part, il est souhaitable, pour l’équilibre de l’enfant, que ses parents puissent, après un temps, construire chacun de leur côté une nouvelle relation affective et sexuelle qui, si elle est stable et si l’enfant ne devient pas l’enjeu de la rancune des parents, lui permette de s’enrichir par la rencontre de nouveaux modèles, de nouvelles compétences, de nouvelles affections.

Je ne vais pas m’étendre plus longuement sur ce sujet qui est d’une gravité exceptionnelle.

Pour les personnes qui voudraient éventuellement approfondir le sujet je donne ci-dessous quelques références de livres traitant le sujet :

« La famille incertaine » de Roussel Louis paru en poche aux éditions Odile Jacob

« L’amour en plus » Elisabeth Badinter Flammarion. 

« La débrouille des familles » Pascale Jamoulle  de Boeck.