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Saint Malo (lundi 22 septembre)

Bonjour à tous,

Deuxième voyage de l’année, direction la Bretagne et plus précisément Saint Malo et sa région.

Nous avions déjà visité cette région tout au début de l’existence de Copin’Age, cela fait donc de nombreuses années déjà.

Depuis lors, il y a bien sûr eu une rotation parmi les membres et de toute façon, même si des fidèles nous accompagnent, comme d’habitude, d’autres centres d’intérêt sont à découvrir.

Avant d’atteindre le but de notre voyage, nous sommes passés par la

Normandie

En 841, Rouen est pillée par les Vickings, les abbayes sont mises à sac. Dix ans plus tard, les envahisseurs hivernent pour la 1ère fois dans une île de la Seine, imposant désormais leur présence tout au long de l’année. Expéditions et incursions se multiplient, si bien que les moines de Jumièges décideront de quitter la région en emportant leurs reliques.

En 911, le roi de France, Charles le Simple, fort d’une victoire remportée près de Chartres sur les Danois, convainc leur chef de négocier. Lors de la cérémonie de Saint-Clair-sur-Epte, Rollon place ses mains jointes dans celles de Charles I. En échange de son aide dans la lutte contre les autres bandes normandes qui sillonnent la région, en échange aussi de sa conversion au christianisme, il reçoit, avec le titre comtal, les terres sises entre la mer et l’Eure, entre la Dive et l’Epte, soit le territoire des évêchés de Rouen, d’Evreux et de Lisieux, qui sera vite agrandi vers l’ouest par l’incorporation du Bessin et du Cotentin. Telle est l’origine de la Normandie. Les frontières ne changeront plus guère, si l’on excepte, au milieu du XIème siècle, l’incorporation du Passais, et bien plus tard, en 1790, l’attribution d’une partie du Perche et du département de l’Orne.

Premier repas à l’Auberge du Grand Sapin à

Villequier

Bourg situé à une encablure de Caudebec-en Caux, il tire sa réputation d’un fait divers qui s’y est déroulé sur le fleuve le 4 septembre 1843. Ce jour-là, Charles Vacquerie et son épouse Léopoldine, fille de Victor Hugo, se noyèrent en Seine.

Il convient de rappeler ici les circonstances exactes de la mort du couple, car contrairement à ce que l’on peut lire dans de nombreux guides touristiques, ce naufrage n’est pas dû au phénomène du mascaret qui est une vague déferlante avec surélévation brusque des eaux, depuis l’embouchure du fleuve vers l’intérieur des terres.

Trois éléments permettent de confirmer qu’effectivement il ne peut s’agir d’un accident lié à ce phénomène.

1°) D’après les témoignages de l’époque nous savons que Charles Vacquerie et son épouse Léopoldine se rendirent chez leur notaire à Caudebec-en-Caux. Ils partirent par temps très calme, avec peu ou pas de vent et ils furent obligés de lester leur canot à voiles avec des pierres, celui-ci étant peu stable. Sur le chemin du retour, en face du lieu-dit « le dos d’âne », un coup de vent fit gîter le bateau : les pierres roulèrent et le bateau chavira. Léopoldine resta coincée sous le canot ; son mari était un excellent nageur et il plongea à plusieurs reprises pour tenter de la secourir : en vain. Ils étaient mariés depuis le 15 février 1843, soit 6 mois à peine. Deux passagers sont également morts noyés.

2°) L’heure du drame : d’après les témoignages, l’accident eut lieu à l’heure du déjeuner, vers 13 heures. Ils étaient en retard à cause du manque de vent. Or, les mascarets avaient lieu à Caudebec-en –Caux en début de matinée (au plus tard vers 11 heures ou en fin de journée).

3°) D’après la lune : en calculant les phases de la lune, il apparaît qu’au début du mois de septembre 1843, c’était le premier quartier de lune (pleine lune prévue pour le 8 septembre) donc en périodes de mortes-eaux). Les marées de vives eaux eurent lieu les 9, 10 et 11 septembre, or le mascaret est lié aux marées de forte amplitude.

Ces circonstances exactes de la mort de Léopoldine ont été démontrées par Jean-Jacques Malandrin, ingénieur à l’Université de Rouen.

Victor Hugo apprit l’accident de Villequier le soir du 9 septembre, soit 5 jours après le drame, à Soubise au café de l’Europe, en lisant les journaux.

Ci-dessous, l’extrait d’un poème que Victor Hugo a écrit à Villequier même en mémoire de sa fille :

« Demain dès l’aube »

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends,
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx et de bruyère en fleur.

Léopoldine et Charles furent ensevelis dans le même cercueil et enterrés parmi les tombes de la famille Vacquerie à Villequier.

Villequier s’étire le long de la

Seine

Longue de 776 Km elle prend naissance sur le plateau de Langres. La Seine, le plus célèbre des fleuves français, a été à travers les millénaires un extraordinaire trait d’union entre les hommes, les pays et plusieurs provinces, de la Bourgogne à la Normandie en passant par l’Ile de France et la Champagne. Fleuve aventureux qui a vu passer les Vickings, fleuve poétique qui a inspiré aux peintres leurs plus belles toiles, fleuve marin où la vague du mascaret remonte jusqu’à Rouen, fleuve source de vie, artère nourricière et grande pourvoyeuse de la capitale.

La Seine bourguignonne vagabonde encore en sous-bois, s’échappe, tente l’aventure, devient un torrent montagnard, contourne des obstacles, redevient sage et commence un long et paresseux voyage jusqu’à la mer.

Un peu en aval se profile la Seine champenoise. On l’appelle ici le chemin qui marche, puisque le fleuve servait à alimenter la ville en céréales et en marchandises qui servaient entre autres à alimenter les célèbres foires de Champagne.

C’est seulement à partir de Nogent en Seine que le fleuve devient navigable. Melun, Corbeil, Fontainebleau défilent avec leurs rives historiques, mêlant le commerce, les cultures de vignes et les balades du dimanche. Quand la Seine rentre à Paris, elle devient une voie majeure, ayant reçu l’apport des eaux de la Bourgogne avec l’Yonne, de la Champagne avec l’Aube puis de la Marne aux portes de Paris.

Quand Paris s’illumine, les berges de la Seine prennent l’allure d’un décor de théâtre. Décor prestigieux qui va de l’ Ile Saint Louis à la Tour Eiffel. Le long des rives défilent les plus beaux édifices : Notre-Dame, la Conciergerie, l’Hôtel des Monnaies, l’Institut de France, le Louvre, l’Obélisque de la Concorde, Orsay, l’Hôtel du Lassay, les Invalides, l’Institut du Monde Arabe, la Bibliothèque de France. Et aussi 34 ponts qui ont chacun particularités, histoire et légendes.

A peine sortie de Paris la Seine reçoit l’Oise, l’Epte et l’Eure. Et c’est ainsi que se profile la Seine normande qui naît à Giverny d’où elle est, à vol d’oiseau, à moins de 100 Km de son embouchure. Peintres et écrivains y ont puisé toute leur inspiration. On aperçoit au loin les tours de la cathédrale de Rouen et le Havre constitue un cadre grandiose qui a séduit les moines. Leurs abbayes, véritables fleurons de l’art religieux français sont au rendez-vous au fil de l’eau : Jumièges, Ste Waudrille, Saint Georges de Boscherville.

Trois ponts sont aujourd’hui les relais entre les différentes parties de cette région : le Tancarville, le Pont de Brotonne et le pont de Normandie dont l’accès peut être exceptionnellement fermé par très grand vent.

Nous ne sommes alors pas très loin de Honfleur et Cabourg, la côte de Grâce à Honfleur et la côte d’Albâtre du Havre à Etretat où l’on découvre le long des plages l’architecture grandiose des falaises de craie qui sont l’une des caractéristiques des rives de la Seine. La mer est là, le voyage est terminé !

Sur tout le parcours de nombreux ports de plaisance ont été aménagés et permettent des escales bucoliques et gustatives.

En cours de route nous sommes passés à hauteur de

Pont l’Evêque

Je ne dirai pas que les effluves de son célèbre fromage nous sont parvenues mais sachez que la production de fromage est attestée en Normandie dès le Xème siècle. Le fromage est à cette époque utilisé comme dîme. A cette époque, l’élevage des vaches, des brebis et des chèvres est cantonné dans les vastes forêts normandes. Au XIème siècle, la Normandie est une terre marécageuse et forestière. La faible surface en herbages, une population peu nombreuse expliquent les difficultés d’approvisionnement des abbayes et seigneuries. Celles-ci importent alors d’Angleterre des fromages à pâte dure et de gros formats. Le Pont l’Evêque apparaît au XIIème. siècle. Ce fromage à pâte molle aurait été créé par des moines cisterciens installés à l’Ouest de Caen. Il était connu sous le nom d’angelot. Guillaume de Loris, dans le « Roman de la Rose » écrit : « Les bonnes tables étaient toujours garnies au dessert de fromages angelots ». Ce terme d’angelots, qui par la suite désignèrent d’autres fromages normands, vient du nom d’une pièce de monnaie. Ce fromage servait alors de moyen d’échange, de rémunération et d’impôt. Aux XIIIème et XIVème siècles, l’agriculture se développe et le lien entre l’élevage et la forêt devient plus lâche. Au XVème siècle, les angelots sont les fromages les plus réputés du royaume. En 1560, Bruyerin de Champier mentionne les fromages de la région de Pont l’Evêque dans Reciteria. De nouveau, en 1588, dans un ouvrage de Charles de Bourguevillé, « Recherches et Antiquités de la province de Neustrie », nous retrouvons les angelots. Le nom s’inspire alors du Pays d’Auge d’où vient le Pont l’Evêque. Il est apprécié sous ce nom à Paris. En 1622, Hélie le Cordier, écrivain normand, publie un poème en 16 chants en l’honneur du Pont l’Evêque dont provient la célèbre phrase « Tout le monde également l’aime car il est fait avec tant d’art que, jeune ou vieux, il n’est que crème ». Ce fromage prend alors des formes variées du fait de la vaisselle de céramique utilisée. Au XIXème siècle, la Normandie voit sa surface herbagère se développer ainsi que son élevage laitier. Le Pont l’Evêque est alors un fromage fermier fabriqué deux fois par jour. A cette époque, il existe différentes qualités en fonction de son taux de matière grasse. La 1ère qualité est fabriquée à partir de lait entier, parfois enrichi de crème fleurette. La seconde qualité est fabriquée à partir d’un mélange de lait écrémé de la veille et de lait entier de la traite du matin. La troisième provient du lait écrémé de la veille, est moins riche et plus acide. Il est vendu sur les marchés de Pont l’Evêque et de Beaumont en Auge. Il s’en vend 600 douzaines en moyenne pendant les mois d’été et 200 en hiver.

L’essor des lignes ferroviaires favorise sa commercialisation. Les fromagers bénéficient de la rapidité, de la sécurité et du coût modéré de ce nouveau mode de transport. Les fromages partent à 18 heures de Lisieux et arrivent à 2 heures du matin en gare des Batignolles et approvisionnent les Halles de Paris ou bien repartent par le train vers d’autres villes. Seuls les Pont l’Evêque de première qualité sont commercialisés. Ceci explique l’excellente réputation de ce fromage à cette époque où la matière grasse est rare et chère. Le Pont l’Evêque est un fromage noble, recherché des restaurateurs, un de ceux dont Brillat Savarin disait « Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil ».

Moins connus, les pavés d’Auge et de Moyaux représentent respectivement deux ou trois Pont l’Evêque. Ces fromages faisaient office de tirelire pour payer le fermage ou pour conserver du lait pour la saison de faible production.

Au XXème siècle, la collecte de lait se modernise, les modes de transformation se perfectionnent dans le respect des traditions. Cela permet l’essor de grands groupes fromagers au sein desquels le Pont l’Evêque conserve une place de choix. Il est fabriqué à partir de lait collecté exclusivement en Normandie et Mayenne. Il est produit et affiné deux semaines au moins dans cette zone.

Son nom provient de la ville de Pont l’Evêque située entre Lisieux et Deauville. Le terroir de verts pâturages, le climat doux et humide procurent un lait de qualité toute l’année. C’est un fromage au lait de vache et son mode de production entre dans la famille des fromages à pâte molle, à croûte lavée. Il faut 3,5 litres de lait pour faire un fromage de 350 grammes. Qu’il soit laitier ou fermier le fromager veille scrupuleusement aux différentes étapes de la fabrication. La veille de la fabrication, le lait des vaches, traites matin et soir, est collecté en camion citerne par les laiteries selon de strictes conditions d’hygiène et en respectant la chaîne du froid. La maturation du lait a lieu pendant plusieurs heures à environ 10°C. Le jour de la fabrication, le lait entier ou partiellement écrémé est réchauffé à environ 35°. Mis en bassines il est alors emprésuré. Il coagule en formant le caillé. Ce caillé est ensuite découpé à l’aide d’un instrument spécial en petits blocs de 1 à 2 centimètres de côté et brassé. On élimine ainsi le lactosérum ou petit lait. Le caillé est alors moulé en moules carrés. Les fromages, placés en salles chauffées entre 20 et 25° s’égouttent grâce à plusieurs retournements pendant une ou deux journées. Les jours suivant la fabrication, soit le lendemain ou le surlendemain, les fromages sont démoulés et placés sur des claies dans des salles non chauffées appelées hâloirs. On continue de retourner les fromages. Entre le 2ème et le 5ème jour, on sale les fromages au sel sec ou en saumure. Entre le 5ème et le 10ème jour, on effectue parfois un lavage et/ou un brossage à l’eau claire légèrement salée, parfois additionnée de rocou qui est une graisse du rocouyer ou le colorant extrait de cette graine. Ces soins orientent le caillé vers l’aspect et le goût final du Pont l’Evêque car les flores spécifiques se développent. C’est dans le secret des hâloirs que les maîtres fromagers surveillent l’évolution de leur fromage et que le Pont l’Evêque vous révèle toute sa douceur et ses parfums.

Triés, parfois brossés et emballés en boîtes de bois, les Pont l’Evêque poursuivent leur affinage pendant 2 à 3 semaines. De blanchâtre, la croûte vire au rouge, la pâte s’attendrit et les arômes se développent.

A différents moments, lors de notre périple nous avons aperçu au loin le

Le Mont Saint Michel

L’histoire du Mont St Michel commence par une légende. Au début du VIIIème siècle, en 708, Aubert, évêque d’Avranches, a des apparitions de l’archange Saint Michel. Le pauvre évêque ne fait rien et décide d’attendre. Une seconde fois l’archange lui apparaît et Aubert doute toujours. Mais à la troisième apparition de l’archange plus aucun doute ne subsiste dans l’esprit de l’évêque, car Saint Michel, furieux de ne point avoir été écouté laisse à Aubert une preuve de son pouvoir : dans le crâne de l’évêque apparaît un trou circulaire.

Mais l’évêque ne doit pas trop en souffrir car il ne mourra que des années plus tard. Aujourd’hui, le crâne d’Aubert est conservé à la basilique d’Avranches Cette histoire est-elle vraie ou fausse ? Personne ne peut apporter la preuve qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Quoi qu’il en soit, l’évêque, certain que ses visions n’étaient point à mettre sur le compte de la folie, entreprend les travaux commandés par l’archange. Il fait construire un petit oratoire en forme de grotte pouvant contenir une centaine de personnes sur le Mont Tombe. Il ne reste rien de cette construction sauf un mur visible dans les salles de l’Abbaye Notre Dame sous Terre. Pendant deux siècles, des chanoines accueilleront les pèlerins mais au fil du temps ils délaisseront leur mission. Lors de cette chose le duc de Normandie, Richard 1er , décide de remplacer les chanoines par des moines bénédictins. Cela se passe en 966. C’est cette année qui est retenue comme date de la formation de l’abbaye. Les bénédictins sont de grands bâtisseurs. Ils construisent une église et quelques bâtiments. Les pèlerins affluent et la renommée du Mont Saint Michel ne tarde pas à être connue dans tout le royaume. Par temps de brouillard, de nombreux pèlerins se perdent sur les grèves et périssent noyés. De plus, les sables mouvants ensevelissent les imprudents qui s’aventurent dans la baie sans l’aide d’un guide. Au pied de l’abbaye une petite ville se construit. Les maisons, pour la plupart en bois, servent à accueillir les pèlerins. Au sommet du rocher, les moines, grâce à de nombreux dons, bâtissent une vaste église et plusieurs petits bâtiments annexes : réfectoire, dortoir, une salle de travail, un promenoir et une aumônerie. Au début du XIIème siècle, les malheurs vont se succéder : effondrement d’une partie de l’église, incendie à deux reprises. Les moines sont découragés et ne font plus sérieusement leur office. Pourtant un homme seul parvient à redonner son éclat antérieur à l’abbaye : Robert de Thorigny, élu abbé en 1154. Diplomate, il parvient à réconcilier le roi de France avec le duc de Normandie. Erudit, il acquiert un nombre important de livres et en écrit quelques-uns. Bâtisseur, il fait construire plusieurs bâtiments dont une plus vaste aumônerie pour accueillir les pèlerins. A sa mort, il laisse une abbaye plus puissante et totalement revitalisée au niveau spirituel.

Dès le début du XIIIème siècle, le duc de Normandie et le roi de France entrent en guerre. Les Bretons alliés pour l’occasion au roi de France montent une armée et marchent vers le mont qu’ils enflamment. En 1204, la Normandie est ralliée au royaume de France. Le prince Philippe Auguste, pour dédommager le monastère du préjudice causé par les Bretons, alloue une forte somme d’argent à l’abbaye. Cet argent est immédiatement investi dans la construction de la Merveille. La construction de ce bâtiment sur un terrain en pente est un véritable tour de force. En 1228, le cloître, sommet de l’édifice, est achevé. Les abbés se succèdent, tous apportent leur marque dans la construction du Mont pour remplacer l’ancienne palissade en bois ; des tours et des remparts sont construits.

En 1356, les Anglais s’emparent de Tombelaine et prennent pour cible le Mont Saint Michel. Du Guesclin est nommé chef de la garnison du Mont. Il remporte victoire sur victoire et éloigne pour plusieurs années la menace anglaise, mais Pierre le Roy, élu abbé en 1386, reste conscient du danger que représentent les anglais. Il décide de construire de nouvelles défenses pour l’entrée de l’abbaye. La tour Perrine, la tour des Corbins et plus particulièrement le Châtelet donnent à l’entrée du monastère une défense infranchissable. Robert Jolivet, nouvel abbé, organise, grâce à de nombreux impôts, la construction des remparts afin de protéger la ville qui devient elle-même une protection pour l’abbaye. En homme prévoyant il fait construire une citerne pour alimenter en eau douce les habitants du Mont. Depuis lors plusieurs attaques ont été menées par les Anglais. La bataille de Formigny en 1450 apportera finalement la paix en Normandie.

De nos jours encore, trois portes défendent l’entrée de la ville. La plus imposante, la porte du Roi, protégée par les tours de l’Arcade et du Roi pouvait difficilement être franchie car une herse et un pont levis barraient le passage. Passée cette porte, l’on se trouve dans la rue unique du Mont, la Grand Rue. Elle est tellement encombrée de marchands et d’échoppes qu’il vaut mieux la quitter sans regrets.

Rétablissement du caractère maritime

Depuis que la baie est submergée, les sédiments s’accumulent naturellement autour du Mont Saint Michel. Ces sables fins, appelés tangues, apportés par le flot ne sont pas tous repris par le courant. Près de 3% de ces sédiments s’accumulent dans les zones hors d’atteinte des rivières, élevant par endroit les grèves de plus d’un mètre le temps d’un seul été. Les espaces que la marée ne baigne plus que lors des vives eaux sont colonisés par l’herbe, progressivement de 25 à 30 hectares chaque année, ce qui donne ainsi à la baie un caractère plus champêtre que maritime.

Désensabler la baie, c'est-à-dire enlever les sédiments qui s’y déposent, est hors de portée, mais il est possible de rétablir et de maintenir autour du Mont Saint Michel un espace de sable naturellement entretenu par les rivières, criches et filandres (jeunes araignées qui tissent des fils flottant au vent appelés fils de la vierge) et de stopper l’envahissement des herbes qui menacent d’encercler le rocher. Pour y parvenir, certains ouvrages construits par l’homme seront modifiés pour que les courants d’érosion fassent leur travail d’entretien.

Avant d’arriver à Saint Malo, nous avons traversé une zone de maraîchages. Ceux-ci, très productifs pour les primeurs, choux-fleurs, artichauts et autres succulents légumes ont été gagnés sur la mer au cours des siècles. D’aspect assez monotone, ils couvrent une superficie de 15.000 Ha qui s’étend depuis l’embouchure du Couesnon jusqu’à Cancale. Cette ancienne zone marécageuse est constituée de deux natures de terrain ; le marais blanc fait de tangue (sable vaseux) argilo-calcaire provenant d’un remplissage de dépôts marins et le marais noir, terre boueuse résultant de la décomposition des végétaux. Il y a environ 12.000 ans la mer recouvrait tout ce territoire appelé le Marais de Dol.

Bretagne

Quelques mots au sujet de la pêche hauturière. Pour ce passage je suis obligée de parler à l’imparfait car les chiffres cités ne sont plus d’actualité, mais j’en parle uniquement pour rendre hommage à ces milliers de marins qui partaient pour des mois, laissant femme et enfants afin d’assurer leur substance.

Avec les deux tiers de la pêche hauturière française la Bretagne possédait le quasi monopole de la grande pêche, répartie entre les Açores, le Canada et l’Océan Indien. Trois ports se distinguaient : Saint Malo, Lorient et Concarneau. Si les deux premiers avaient une envergure modeste, avec respectivement deux ou trois navires spécialisés dans la congélation du cabillaud et de la langouste, Concarneau avec ses 35 chalutiers hauturiers et ses 22 thoniers étaient le premier port thonier français : 146.000 tonnes par an. Une réussite illustrée par des campagnes de quarante-cinq à cinquante jours, le tonnage moyen annuel rapporté par un navire de pêche hauturière pouvait varier de 2000 à 5000 tonnes.

Pierre Loti n’est certainement plus un écrivain à la mode mais il a écrit de superbes livres concernant ce sujet et notamment « Pêcheurs d’Islande ».

A l’heure actuelle, vu les normes imposées par l’Europe et la mainmise des Japonais, cette ressource est terminée pour la région de Saint Malo.

Et sur la langue et les dialectes

Pays latin, la France comporte, toutefois, plusieurs régions dont le dialecte n’est pas d’origine romane.

Deux sont de type germanique : l’alsacien, proche de l’Allemand, qui comporte en fait plusieurs formes différentes, et le flamand. Ce dernier est l’un des lointains héritiers du langage des Francs des époques mérovingienne et carolingienne.

Il y a également le celtique : le breton. Mais il ne s’agit pas d’un descendant direct du parler des Gaulois. Il a été apporté par les Bretons lorsqu’ils ont envahi le Massif armoricain, vers le Vème siècle de notre ère. L’ancien dialecte gaulois ne s’étant pas éteint subitement, il est probable que le breton soit issu d’une fusion des deux idiomes.

Un petit clin d’œil sur le sujet

Il y a quelques années un journaliste enquêtant sur la réforme liturgique s’entendit répondre par une paysanne : « Le français à l’église, c’est mieux que le latin : on comprend. Mais pour prier vraiment, je préfère ma langue ». Votre langue ? « Oui, le patois ». Simples déformations du français pour les uns, véritables langues, pourtant, avec une grammaire et une littérature, les parlers locaux et régionaux sont toujours vivants et ont pour certains une histoire aussi ancienne que celle du français lui-même.