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Les contes d'Hoffmann
Pour la troisième activité de ce mois, nous sommes allés à l’Opéra royal de Wallonie afin d’y écouter Les contes d’Hoffmann.
Parce qu’elle n’a pas été achevée du vivant d’Offenbach, parce que des pages en sont sans doute perdues ou parce qu’elle est un superbe mélange de passages puisés partout dans Hoffmann et dans la vie même d’Offenbach : les raisons qui expliquent l’incomplétude de cette œuvre sublime ne manquent pas. Les Contes d’Hoffmann sont sans doute l’opéra le plus ouvert et le plus interrogatif de tout le répertoire. Chaque lecture est une pièce nouvelle et chaque metteur en scène a toutes les possibilités. Les trois actes, le prologue et l’épilogue dessinent la progressive défaite d’un homme devant l’amour humain en même temps que la naissance d’un poète dans l’alcool. Alcool qui n’est absolument pas vécu comme une déchéance mais comme un nectar sublime, indissociable de la poésie et réservé aux initiés : seuls ceux qui ont vécu le parcours initiatique du poète en sont dignes. Offenbach avait d’ailleurs écrit à ce sujet un texte délicieux où il associait à différentes formes d’écriture différentes boissons alcoolisées selon l’accord qu’il trouvait entre l’effet produit par celles-ci et le tempérament voulu de l’œuvre littéraire.
Le sujet de l’opéra
Hoffmann est dans une taverne à Nuremberg. Y entrent des étudiants qui lui demandent d’interpréter une chanson. Hoffmann propose de leur raconter trois de ses amours.
- Olympia dont le rôle sera tenu par Laure Delcampe
- Antonia interprété par Nicoletta Ardelean
- Giulietta dont le rôle est assumé par Alexise Yerna.
Amours tragiquement interrompues par le maléfique conseiller Lindorf.
Hoffmann (Jean Pierre Furlan) est devenu l’élève de l’inventeur Spalanzani (Patrick Delcour) afin d’approcher sa fille Olympia. Mais elle est en fait un automate construit par Spallanzani et dont les yeux ont été donnés par l’étrange Coppélius. Au cours d’un bal, Hoffmann déclare sa flamme à la jeune fille. mais elle se casse. Coppélius s’estime floué par Spallanzani et brise l’automate provoquant ainsi l’hilarité générale et le chagrin d’Hoffmann.
Hoffmann est très épris d’Antonia, la fille du luthier Crespel (Léonard Graus). Celle-ci est de santé extrêmement fragile et chanter lui serait fatal. Pourtant par l’intervention d’un certain docteur Miracle, sa mère apparaît en rêve et l’encourage à chanter avec elle. Antonia ne peut résister et chante jusqu’à en mourir.
A Venise, Hoffmann est amoureux de Giulietta, une courtisane sous la coupe du magicien Dapertutto. Celui-ci exige que Giulietta vole le « reflet » d’Hoffmann, comme elle a volé auparavant l’ombre de son amant Schlemil (Roger Joakim). Malgré les mises en garde de Nicklausse (Delphine Haidan), Hoffmann cède. Pour obtenir la clé de la chambre de sa bien-aimée, il tue Schlemil, son rival. Peine perdue, Giuletta s’est enfuie.Hoffmann a ainsi achevé le récit tragique de ses amours. Il n’appartient plus qu’à sa muse. Pour arriver à cet état de sublime solitude, le personnage d’Hoffmann devra traverser trois étapes où il perdra chaque fois quelque chose de lui. Rencontrer trois femmes absolument inexistantes ou plutôt en attente d’exister.
Il manque à Olympia la vie.
Il manque à Antonia de pouvoir quitter le passé pour devenir une femme adulte.
Il manque à Giulietta l’amour véritable. Elle ne connaît que le corps des hommes : elle s’offre à eux, mais ne reçoit d’eux que ce qu’elle leur vole.
Stella, la femme idéale, celle qu’il rêvait d’atteindre, celle dont chacune des trois autres n’était qu’un visage, il ne la connaîtra pas, il ne la verra pas.
L’histoire se joue ailleurs. Les univers sont à l’image des personnages qu’ils suscitent. Ils sont de l’ordre de l’irréel, ils flottent dans un non-être spatial. C’est ici que débute la poésie. On attend, on attend toujours, on attend d’être, on attend de jouer, on attend de chanter, de vivre d’aimer et de pleurer. Car il faut l’un, puis l’autre pour approcher de l’être.
Dans les rôles masculins Nicolas Cavallier interprête Lindorf, Coppélius, Dapertutto, Dr Miracle.
François Piolino est successivement : Andréa, Cochenille, Pittichinaccio et Franz.
Jacques Offenbach
Jacques Offenbach est l’un des plus grands compositeurs de toute l’histoire de l’opéra. Les origines juives et allemandes d’Offenbach et sa volonté de considérer la vie musicale de son époque avec détachement et humour ont porté depuis toujours le public et les institutions musicales françaises en premier lieu (consciemment ou inconsciemment) à le prendre pour un musicien de second rang ou au mieux comme un « amuseur public » incarnant le chic et l’esprit parisien. Offenbach est bien autre chose et c’est avant tout l’auteur de quelques uns des plus grands opéras du XIXe siècle qui, à la différence de ceux de Verdi, Wagner ou Strauss ne sont pas devenus des pièces de musée réservées seulement à une élite, mais demeurent, lorsqu’ils sont correctement interprétés, accessibles à tous.
Offenbach est sûrement, dans l’absolu, le plus grand compositeur populaire de son temps. Traversée d’influences hébraïques, mais aussi italiennes, allemandes et surtout françaises, sa musique reconnaissable dès la première note, mérite qu’on lui accorde autant d’attention qu’à celle de Mozart ou de Beethoven.
Ce plus grand compositeur d’opéras bouffes français est né à Cologne en 1819. Admis au conservatoire de Paris en 1833, alors que le règlement interdit l’inscription d’étudiants étrangers, il s’impose d’abord dans les salons parisiens comme violoncelliste virtuose. La carrière « classique » de compositeur d’opéra dont il rêvait lui étant à peu près fermée, en grande partie à cause de ses origines étrangères, il décide de prendre son destin en main en devenant « self-made-man » de la musique lyrique. Pour cela il crée un genre nouveau : l’opéra bouffe français, appelé malencontreusement par la suite opérette et il se produit dans les théâtres qu’il administre lui-même profitant du vent de libéralisme économique insufflé par le Second Empire de Napoléon III. Héritier de Mozart, de Rossini, mais aussi de grands compositeurs français et allemands, de la première moitié du XIXe siècle, il dévoile au public français une musique inclassable, assise sur une base profondément classique et romantique, mais traversée d’élans rythmiques inconnus jusque là et pénétrée d’une invention mélodique qu’aucun autre compositeur de l’époque ne peut seulement approcher. En ce sens, il est bien le « Mozart des Champs Elysées », tel que le définissait Rossini en personne.
Ses grands succès sont Orphée aux enfers, la Belle Hélène, la Vie parisienne, la Périchole…
Il meurt le 5 octobre 1880 sans avoir complètement achevé l’ouvrage qu’il portait en lui depuis sa jeunesse, Les contes d’Hoffmann, qui furent représentés sur la scène parisienne du Théâtre de l’Opéra Comique en février 1881. Œuvre lyrique, « fantastique », inclassable, les Contes d’Hoffmann sont un des sommets du répertoire du XIXe siècle et restent aujourd’hui avec Carmen de Bizet, l’opéra français le plus joué au monde.