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Orval
Sauvenière, fin novembre 2003,
Bonjour tout le monde,
Vous n’avez pas reçu au mois d’octobre le résumé de la sortie repas de chasse. Comme celui-ci était dédoublé début novembre je l’avais d’ailleurs spécifié.
Avant de prendre ce repas, nous avons d’abord visité l’Abbaye d’Orval, située exactement à Villers-devant-Orval, petit coin idyllique de la Gaume, région de notre pays qui bénéficie d’un microclimat. Cela s’est révélé exact lors de notre deuxième sortie, car la première fois, il y soufflait un vent apte à décorner des bœufs !
Superbe, en cette saison, de par ses tons dorés, irisés par les rayons du soleil, des petits voiles de brume s’élevant au-dessus de l’étang où quelques canards glissent silencieusement sur l’eau.Mais revenons peu à peu sur terre en commençant tout d’abord par la légende qui se rapporte à l’abbaye. Le monastère serait né d’un geste de la veuve Mathilde, comtesse de Toscane, qui aurait lors d’une partie de chasse laissé tomber par mégarde son anneau nuptial dans la fontaine de cette vallée. Elle se mit à supplier Dieu et aussitôt une truite apparut à la surface de l’eau, portant en sa gueule le précieux anneau.
Mathilde s’écria alors « Vraiment, c’est ici un val d’or » et elle décida par reconnaissance de fonder un monastère en ce lieu béni.
La légende, c’est bien beau, mais il y a quand même une marge de la légende à la réalité. Parlons donc un peu d’histoire.
Les premiers moines à s’installer à Orval arrivent du sud de l’Italie en 1070. Le seigneur de l’endroit, le comte Arnould de Chiny, les accueille et leur donne des terres prélevées sur son domaine. L’église et les bâtiments conventuels sont aussitôt mis en chantier.
Pour des motifs ignorés, ces pionniers se retirèrent après une quarantaine d’années. Othon, fils d’Arnould, les remplace alors par une petite communauté de chanoines qui peut mener à bonne fin les constructions entreprises par leurs prédécesseurs. La première église est achevée en 1124. Mais les chanoines connaissent bientôt des difficultés d’ordre économique, ce qui les pousse à solliciter leur rattachement à l’Ordre de Cîteaux, alors en pleine expansion. Leur demande est transmise à Saint Bernard qui accepte et confie la reprise d’Orval à l’aînée de ses maisons filles, l’abbaye de Trois Fontaines en Champagne. Le 9 mars 1132, sept moines cisterciens arrivent à Orval, avec à leur tête Constantin. Moines et chanoines s’unissent en une seule communauté et s’emploient aussitôt à adapter les bâtiments aux usages cisterciens. La nouvelle église est achevée en 1200.
Les Cisterciens veillent aussi à créer un domaine agricole et forestier dont l’exploitation leur permet de vivre selon leurs observances. Les terres qui entourent immédiatement le monastère sont pauvres et ne conviennent pas à la culture. Dès 1132, les religieux reçoivent un petit domaine à une vingtaine de Km de chez eux à proximité de Carignan. Au cours des années qui suivent, ils reçoivent d’autres terres en donation. Parmi elles, il convient de mentionner le groupe de Buré-Villancy en Meurthe et Moselle, qui sera le centre de l’industrie du fer des moines d’Orval.
Durant cinq siècles, Orval ne connaît qu’une existence effacée semblable à celle de beaucoup de monastères de l’ordre. Pendant le XIIe siècle, l’abbaye paraît avoir été prospère ; dès le milieu du siècle suivant, les calamités seront souvent son lot pour de longues périodes. Elle est ravagée vers 1252 par un incendie dont les conséquences pèsent sur la communauté pendant près d’un siècle.Certains bâtiments doivent être entièrement reconstruits. La misère est un moment si grave que les autorités de l’Ordre de Cîteaux envisagent même la suppression du monastère.
Au cours des XVe et XVIe siècles, les guerres entre la France et la Bourgogne, puis entre la France et l’Espagne exercèrent leurs ravages dans tout le Luxembourg et Orval ne fut pas épargné. Dans ce contexte difficile, l’empereur Charles-Quint témoigne de sa bienveillance en autorisant l’établissement d’une forge sur le territoire même de l’abbaye. Il faut aussi placer dans ce cadre la reconstruction au début du XVIe siècle de la nef de l’église qui menace ruine. La dédicace a lieu en 1533. On sait qu’en cette année là, la communauté compte 24 religieux.
Tandis que le XVIIe siècle est un siècle de malheurs pour les Pays Bas, l’abbaye d’Orval y atteint cependant l’apogée de son essor. Deux abbés acquièrent un renom dans l’Ordre tout entier. Le premier, Bernard de Montgaillard, un méridional, réussit, malgré les résistances de la communauté, à se faire désigner comme abbé d’Orval par les Archiducs Albert et Isabelle en 1605. Dès ce moment, il se donne entièrement à ses moines qui s’attachent beaucoup à lui. Il rétablit l’économie du monastère et restaure les bâtiments. Mais surtout, il est un précurseur en octroyant à sa communauté des constitutions de réforme. Elles provoquent un regain de ferveur. Les recrues affluent. En 1619, la communauté compte 43 membres : 27 moines profès, 8 convers et 8 novices.
Peu après Bernard de Montgaillard une nouvelle catastrophe s’abat sur l’abbaye : durant le mois d’août 1637, au plus fort de la guerre de Trente Ans, les troupes du maréchal de Châtillon pillent et incendient complètement le monastère et ses dépendances. La reconstruction se poursuit dans un climat d’insécurité jusqu’à la fin du siècle.
De 1668 à 1707, l’abbaye d’Orval a à sa tête un autre grand abbé : Charles de Bentzeradt, originaire d’Echternach. Cet homme austère est avant tout un réformateur : en s’inspirant de ce qu’avait fait l’abbé de Rancé à l’abbaye de la Trappe en Normandie il établit la « stricte observance » dans son propre monastère. Il reçoit de nombreux novices, ce qui lui permet de fonder en 1701 l’abbaye de Dusselthal, près de Dusseldorf, et d’ériger en prieuré la maison de Conques sur la Semois. Après sa mort, les moines d’Orval repeuplent et réforment l’abbaye de Beaupré en Lorraine. En 1723, la communauté est la plus nombreuse de tout l’Empire. Malheureusement, le jansénisme s’infiltre dans la communauté et la crise éclate en 1725. Une quinzaine de religieux préfèrent quitter le monastère : ils fondent près d’Utrecht la maison de Rhijnwijk.
La prospérité matérielle va de pair avec la ferveur : le domaine agricole et industriel des moines ne cesse de s’accroître : de la fin du XVIIe au milieu du XVIIIe siècle, les forges d’Orval sont à la tête de l’industrie occidentale.
A partir de 1760, les ressources sont principalement consacrées à la construction d’un nouveau monastère dont les plans sont dessinés par Laurent Benoît Dewez. La nouvelle église est consacrée en 1782, puis les travaux ralentissent et s’arrêtent faute de revenus.
En 1789 éclate en France la grande révolution. Orval se voit aussitôt confisquer tous ses biens situés au-delà de la frontière. L’abbaye connaît diverses alertes plus ou moins graves jusqu’au jour décisif du 23 juin 1793 lorsque les troupes révolutionnaires conduites par le général Loison portent le pillage et le feu dans les murs de l’abbaye. Tout est anéanti. La communauté se retire dans son refuge de Luxembourg, puis au prieuré de Conques. Le 7 novembre 1796, elle est officiellement supprimée et ses membres sont dispersés. Pendant plus d’un siècle, les murs calcinés d’Orval sont la proie des intempéries, des chercheurs de pierres et de trésors.
En 1926, la famille de Harenne offre les ruines d’Orval et les terres avoisinantes à l’Ordre de Cîteaux pour que la vie monastique y soit restaurée.
Dom Jean Baptiste Chautard, abbé du monastère de Sept Fons dans l’Allier accepte la responsabilité de la fondation et envoie à Orval un groupe de moines, noyau de la nouvelle communauté.
L’œuvre gigantesque de la reconstruction est entreprise par Dom Marie-Albert van der Cruyssen, un Gantois, moine de l’abbaye de la Trappe. Très vite, un nouveau monastère, construit selon les plans de l’architecte Henry Vaes, s’élève sur les fondations mêmes du monastère du XVIIIe siècle. En 1936, Orval devient autonome et Dom Marie-Albert en est l’élu.En 1948, la reconstruction s’achève ; le 8 septembre a lieu la bénédiction solennelle de l’église. Peu après, dom Marie-Albert démissionne de sa charge abbatiale. Sa mission est accomplie. Il meurt en 1955. Avec lui se termine la page la plus récente de l’histoire d’Orval.
La vie quotidienne du moine
De nos jours, Orval est à nouveau un monastère. Vu la vie actuelle, on peut se poser la question : un monastère, pourquoi ? A cette question on peut en ajouter une autre, plus précise : qu’est-ce qu’un moine ?
C’est un homme qui perçoit, au plus intime de son cœur l’appel du Christ. Il entre au monastère où il rejoint d’autres hommes qui avant lui et comme lui se sont engagés à suivre le Christ sur le chemin de la vie monastique.
La vie quotidienne du moine tend à se modeler sur son attitude intérieure de disponibilité et d’obéissance au Seigneur. Il y a un proverbe qui dit : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » En plagiant celui-ci, l’on pourrait dire : « Montre-moi ton agenda, je te dirai qui tu es : « L’emploi du temps d’un homme révèle ses priorités ». A quoi un moine consacre-t-il son temps, et pour qui a-t-il du temps ? Dans l’agenda des moines, ce qui passe en premier, ce sont les rendez-vous avec Dieu. La journée est organisée autour de ces moments gratuits, autour de ces heures non rentables que sont les heures de prières. C’est là tout le prix de la vie monastique : elle prévoit des moments où on ne fera rien d’autre que de prendre le temps de vivre pour Dieu, le temps aussi de se retrouver entre frères pour chanter ensemble l’Amour de Dieu pour l’homme, le temps aussi de demeurer dans le silence en présence de Celui qui donne la vie.
Vous l’avez compris, Orval, ce sont de superbes bâtiments ; c’est un cloître que l’on ne visite bien sûr pas, mais c’est également une ouverture sur la vie et ses saveurs. Et tout d’abord le
Fromage
La fabrication du fromage à l’abbaye date de 1928, deux ans après le retour des moines à l’Abbaye. Le fromage d’Orval est une fabrication propre à l’Abbaye d’Orval, à base de lait entier pasteurisé du pays gaumais. Sa pâte pressée, non cuite, à croûte naturelle, lavée se caractérise par son onctuosité. En Belgique, le fromage d’Orval se classe dans la catégorie des fromages appelés « Plateau ».
Le processus de fabrication commence par la pasteurisation. Celle-ci élimine les éventuels micro-organismes nuisibles du lait. Le lait entier est ensuite porté à une température de 33° et envoyé dans la cuve de fabrication pour y être coagulé. Au préalable, un apport de ferments lactiques va permettre de maîtriser l’acidification du lait et la régularité du processus de fabrication. La coagulation est le passage de l’état liquide du lait à l’état solide, appelé coagulum ou caillé. Par l’adjonction de présure, le lait prend en quelques minutes l’aspect d’un gel. Durant le durcissement du coagulum, le fromager détermine le moment délicat du tranchage. Le caillé est alors découpé en grains à l’aide de fils afin de séparer le sérum du caillé lequel deviendra la pâte du fromage. On procède ensuite au délactosage, opération qui n’est pas obligatoire pour toutes les pâtes pressées non cuites. Elle consiste à enlever du lactose pour le remplacer par de l’eau. Après avoir séparé par le tranchage le caillé du sérum, il faut évacuer celui-ci. C’est l’opération du drainage et de l’égouttage. L’ensemble du caillé et du sérum est envoyé dans un bac de pré-pressage où il repose sur un tapis perforé au travers duquel le sérum peut s’évacuer librement.
La quatrième étape est l’emmoulage. Le caillé préalablement découpé en blocs par le bac mécanisé après égouttage est transféré manuellement dans des moules pourvus de trous. Ces trous permettent l’évacuation du sérum subsistant dans le caillé. Le type de moules utilisé détermine la forme du fromage, en l’occurrence celle d’un pain. Une bande transporteuse achemine les moules remplis de caillé vers une presse tunnel où ils sont disposés automatiquement.
Vient ensuite le pressage de l’ensemble des moules qui est réalisé en une seule opération. Une pression appliquée progressivement sur les fromages permet l’agglomération des grains entre eux, jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène.
Lorsque le temps de pressage est achevé, les fromages sont sortis de leurs moules pour être placés dans des paniers. Chaque lot de fabrication est minutieusement identifié par un code qui permet les différents suivis lors de l’affinage et de la distribution commerciale.
Vient alors le salage des fromages qui va en augmenter le goût. Le sel est aussi un excellent agent de conservation et de protection contre certains micro-organismes. A Orval, le salage se fait par un saumurage consistant à immerger les fromages dans un bain salé pendant quelques heures.
Après la sortie de la saumure vient le temps de l’affinage. Cette opération, essentielle pour obtenir un fromage de qualité, favorise le développement d’un goût riche et typé au fromage. L’affinage améliore aussi sa texture en la rendant plus souple, fondante et onctueuse. Il provoque enfin la formation de la croûte naturelle. Les fromages sont affinés dans un local appelé le hâloir où des paramètres très précis conditionnent la qualité de leur maturation.