dernière mise à jour 23/06/17

 
2017
 

 

Mardi 9 mai 2017 : Chichester, la villa romaine de Fishbourne et Arundel

 

Après le petit déjeuner, nous nous rendons dans le Sussex de l’Ouest (« West Sussex »). Comme son nom l’indique, il correspond à la moitié occidentale (1.991 km2) du comté traditionnel de Sussex. C’est là que se trouve notamment l’usine principale du constructeur automobile Rolls-Royce, près de Goodwood, ou encore l’aéroport international de Londres-Gatwick.

Comme à chaque fois, Laurent a beaucoup de choses à raconter durant le trajet et cela fait le troisième jour qu’il nous répète qu’on voit les fameux « cassis » pousser un peu partout en Angleterre. Mais où sont-ils ? En réalité, il s’agit des K6, les célèbres cabines téléphoniques rouges qui sont devenues la fierté des Anglais au même titre que les bus impériaux et les légendaires taxis. C’est en 1935 que la cabine K2 a été détrônée par le type K6 (carreaux rectangulaires à la place des petits carrés). Celle-ci a été dessinée pour le jubilé du Roi Georges V et, aujourd’hui, elle s’arrache à prix d’or. Il semble que deux mille d’entre elles ont même été classées monuments historiques !

Ce matin, nous nous rendons d’abord à Chichester, petite ville de 24.000 habitants jumelée notamment avec Chartres et située tout à fait au sud de l’Angleterre. Elle est proche de la mer tout en se trouvant au pied des collines South Downs. Elle a connu son apogée au XVIIIe siècle et presque toute son architecture date de cette époque, ce qui explique l’harmonie du style géorgien avec quelques très jolies bâtisses au centre-ville.


Nous parcourons les derniers 100 mètres à pied en empruntant des allées très joliment fleuries. Et là, Laurent nous fait remarquer une particularité tout à fait typique de l’architecture anglaise : l’arc Tudor. C’est une ogive abaissée, aplatie et très obtuse ; on dirait une horizontale à bouts arrondis qui, à son centre, aurait subi comme une poussée vers le haut. Cet arc aplati, spécifique aux monuments anglais gothiques, date de la fin du XVe siècle sous le règne de Henri VII, de la famille des Tudor.

La Cathédrale de Chichester, officiellement appelée Cathédrale de la Sainte Trinité, est le siège du diocèse anglican de Chichester. Construite de 1091 à 1184 dans une jolie pierre de couleur claire, elle allie les styles roman et gothique. Elle a un campanile tout à fait séparé, ce qui est unique en Angleterre. La tour de la cathédrale avec la flèche s’élève à une hauteur de 82 mètres ; son toit de cuivre vert peut être vu à plusieurs kilomètres et est un point de repère pour les marins.

Comme toutes les cathédrales anglaises, celle de Chichester est un petit musée de l’art funéraire. Les tombeaux d’armateurs et d’officiers de la marine nous rappellent que la mer n’est pas loin. On notera en particulier le beau cénotaphe de Richard FitzAlan, 10e comte d’Arundel (XIVe siècle), et de son épouse Eleonore de Lancastre.

Mais la cathédrale est surtout célèbre pour ses œuvres d’art moderne du XXe siècle. Un vitrail de Marc Chagall a été posé en 1978 : éclatant de couleurs rouges-fauves, il illustre le psaume 150 « Ô louez Dieu dans son sanctuaire ! Que tout ce qui respire loue l’Eternel ! ». Derrière l’autel, une immense tapisserie de John Piper, tissée à Aubusson (France) en 1966, a pour sujet la Sainte Trinité, à qui la cathédrale est dédiée. Dans une chapelle latérale, une jolie peinture de Graham Sutherland montre le Christ apparaissant à Marie Madeleine au matin de Pâques. Le baptistère, en pierre de Cornouailles avec un bassin en cuivre, date de 1983 ; une toile de Hans Feibusch (1951) représente le baptême du Christ …


Après la visite de ce beau et imposant site historique alliant des expressions artistiques de plusieurs siècles jusqu’aux plus modernes, il nous reste un peu de temps libre. Plusieurs parmi nous s’aventurent vers le centre-ville et y découvrent notamment la toute mignonne Croix du Marché (« Market Cross » ou « Chichester Cross ») placée à l’intersection des quatre rues principales de la ville.

Nous reprenons ensuite le car pour nous rendre au Palais de Fishbourne, seulement à quelques kilomètres au sud-ouest de Chichester. C’est la villa la plus visitée d’Angleterre ; elle comprenait à l’époque une centaine de pièces, d’où l’utilisation du mot « palace ». Une première mosaïque noire et blanche avait été découverte en 1805 et une partie des thermes en 1812, mais le site fut oublié par la suite. C’est en 1960, à l’occasion de travaux de voirie, qu’un pan de mur a été mis à jour. Depuis lors, des fouilles ont été effectuées systématiquement sur la moitié nord, l’autre moitié se trouvant sous des terrains construits. Cependant, comme le plan de la villa est symétrique, cela autorise une restitution vraisemblable de cette partie, comme nous l’explique le guide en anglais, avec traduction simultanée par Laurent, à l’aide d’une maquette.  

Le site fut d’abord un camp militaire établi au début de la conquête de la Grande-Bretagne en 43 de notre ère par l’empereur Claude. Pas surprenant si on sait qu’en ce temps la mer arrivait tout près de la villa, ce qui explique ce choix pour le débarquement d’une légion romaine. Le camp fut remplacé par une construction en dur vers la fin des années 40 et, en 75-80, par la grande villa rectangulaire qui couvrait un peu plus de deux hectares et qui perdura jusqu’en 270-280 lorsque le palais fut détruit par un incendie, puis abandonné. La taille de l’établissement, le nombre et la qualité des mosaïques découvertes, le fait qu’il succède à un camp militaire et la date précoce de sa construction sont des éléments qui font penser  – voire affirmer – qu’il s’agissait du palais résidentiel d’un roi local, Tiberius Claudius Cogidubnus, dont on sait qu’il avait aidé les Romains lors de l’invasion et qu’il fut élevé au titre de Legatus Augusti dans les premières années du règne de Vespasien. Cette belle histoire reste cependant une hypothèse.

Certaines mosaïque mises à jour dans la villa, généralement noires et blanches, datent du Ier siècle. Une d’entre elles, la mosaïque de la Forteresse, a été trouvée en 1980 sous celle de Cupidon lors de la dépose de celle-ci pour restauration. Cependant, une mosaïque de la même époque est entièrement polychrome avec un décor de canthare, de sarments de vigne, de dauphins et de poissons. Quelques autres mosaïques, dont celle de la Méduse et la plus célèbre, celle de Cupidon chevauchant un dauphin, sont du milieu du IIe siècle. Presque intacte, cette dernière est particulièrement fine et équilibrée. Outre le motif central du dauphin, on y trouve aussi quatre chimères marines, quatre canthares et, à chaque coin, un éventail à huit branches de différentes couleurs. Le tout est entouré de larges bordures géométriques. D’autres mosaïques, quant à elles, datent du IIIe siècle.

Outre les murs et les mosaïques exposés sous un bâtiment de protection, notre visite comprend aussi, à l’extérieur, la présentation de ce qui est connu de l’aile est où une quinzaine de pièces sont reconstituées en plein air et le jardin central dont les formes des haies de buis, observées lors des fouilles, ont été reproduites.

Le Palais de Fishbourne mérite certainement que l’on s’y arrête : il fait étalage à la fois des superbes mosaïques et du luxe dans lequel l’élite romaine vivait. Après cette visite très intéressante, Thierry nous mène à Arundel où le repas de midi est laissé libre à chacun. Cette petite localité d’environ 3.500 habitants rayonne un charme et un cachet comme on aime en trouver en Angleterre. Arundel possède un patrimoine riche avec une cathédrale et un château.


Le majestueux Château d’Arundel est situé sur une colline et surplombe les alentours avec une vue imprenable sur la chaîne des South Downs et la rivière Arun. La construction de cet important édifice médiéval a commencé au XIe siècle sous le règne d’Edouard le Confesseur. Le corps de garde et le donjon d’origine, de style roman, ont survécu à 720 ans d’assauts et de sièges, notamment aux batailles de la Première Révolution anglaise, ce qui n’est pas le cas des bâtiments en contre-bas qui ont été restaurés et reconstruits aux XVIIIe et XIXe siècles.

Le château abrite en ses murs les Ducs de Norfolk depuis près de mille ans. Depuis 1483, ce titre est attribué à la lignée des Howard et porté depuis 2002 par Edward FitzAlan-Howard, dix-huitième duc. Le Duc de Norfolk est membre de la Chambre des Lords et porte de façon héréditaire le titre de Comte-Maréchal d’Angleterre (« Earl Marshal of England »). Le comte-maréchal est l’un des plus importants hauts-fonctionnaires cérémoniels à la Cour royale et a la responsabilité de l’organisation des grandes manifestations telles que l’ouverture du parlement, les couronnements, les mariages ou encore les funérailles.

Au cours des siècles, la famille des Howard a connu des périodes politiquement dangereuses, dues notamment au fait que ses membres sont restés catholiques dans une monarchie protestante. Par exemple, le troisième duc de Norfolk a échappé à la peine de mort uniquement parce que le roi Henri VIII était mort la veille de son exécution.

La visite du château nous révèle de très nombreuses traces de l’histoire mouvementée de cette famille, mais nous dévoile aussi la collection d’objets, de tableaux et autres réalisée au cours du temps et qui a une valeur inestimable.

En effet, le château abrite un fascinant ensemble de beaux meubles du XVIe siècle, des tapisseries et des horloges. Les salles victoriennes les plus raffinées sont la chapelle, avec la partie catholique d’un côté et la partie anglicane de l’autre, et la salle des barons où sont exposés des portraits de Van Dyck, Gainsborough, Mytens, Lawrence, Reynolds, Canaletto et d’autres grands artistes. La bibliothèque néogothique de régence, entièrement habillée d’acajou, comprend quelque 10.000 livres ; y trônent également une icône en argent de Fabergé et un portrait de   Richard III. Il y a également la salle d’armes, la galerie des tableaux et les chambres des duchesses. Last but not least, l’exposition comprend des souvenirs personnels de Mary, Queen of Scots, ainsi qu’une collection d’objets historiques, religieux et ancestraux liés aux Princes de Norfolk.


A la sortie du château, nous avons le temps de flâner un moment dans les 19 hectares de parcs et magnifiques jardins à thèmes, y compris le « Collector Earl’s Garden » qui a été primé plusieurs fois.

 

Nous finissons la journée dans le sympathique restaurant « Loch Fyne » sur la marina de Portsmouth avec un petit apéro et un repas tout poisson. Au retour à l’hôtel, plusieurs passent encore quelques instants au bar avant de souhaiter « Have a good night » !