dernière mise à jour 27/06/17

 
2017
 

 

Mercredi 10 mai 2017 : Île de Wight

 

Cela faisait longtemps que nous voulions voir à quoi cette île mythique ressemblait. Pourquoi donc ? A cause de Michel Delpech, à cause de la maison de la reine Victoria … Quoi qu’il en soit, les réveils sonnent tôt ce matin car le ferry nous attend pour la traversée entre Portsmouth et Fishbourne (sur l’île de Wight). C’est une traversée bien sympathique où on peut observer plein de bateaux de tous genres ; les plus attentifs aperçoivent même un hovercraft (« aéroglisseur » en français).

L’Île de Wight est la plus grande île de la Grande-Bretagne dont elle est séparée par un bras de mer : le Solent. Les courants et les vents qui balayent le Solent expliquent pourquoi Wight est devenue la capitale mondiale de la voile. Elle a aussi un riche passé historique et a même été brièvement indépendante durant le XVe siècle. Elle a une superficie de 384 km2 et une population d’environ 140.000 habitants. Sa forme massive rappelle celle d’un diamant.

Ce matin, nous partons pour un circuit panoramique. Dès l’arrivée, l’île nous offre un spectacle d’une austère beauté : la craie blanche des falaises contraste étonnamment avec le vert intense des prairies dans l’intérieur des terres. Le paysage est composé de collines verdoyantes : le centre de l’île est traversé par une dorsale calcaire avec les caractéristiques « Rolling Hills » dont les pointes se sont érodées au fil du temps, ce qui nous procure cette sensation particulièrement douce et reposante du paysage. Pas pour rien que l’île de Wight est considérée comme un des endroits les plus charmants d’Angleterre avec, en prime, son climat doux en raison de la proximité du Gulf Stream et ses petits cottages aux toits de chaume qui font tout particulièrement le bonheur de nombreux artistes. Et des cottages, il y en a partout, les uns plus mignons que les autres.

Ce qui nous interpelle en traversant les villages, ce sont les affiches de partis politiques que l’on voit à de nombreuses maisons. Et oui, ici on montre publiquement de quelle couleur politique on est et pour qui on vote. Autre particularité, architecturale cette fois : lorsqu’on observe bien les maisons, on constate qu’il n’y a pas de volets et que les fenêtres de l’étage sont directement accolées aux gouttières, sans espace muré entre les deux. C’est ce genre de petits détails qui nous rappellent que nous sommes bien chez les Anglais !

Nous gagnons rapidement le sud de l’île en passant par de très jolis villages comme Carisbrooke et Shorwell. D’ailleurs, d’aucuns prétendent que Shorwell figurait parmi les lieux favoris visités par la Reine Victoria. Nous nous arrêtons quelques instants à Brighstone, village pittoresque qui abrite une petite église toute mignonne et différents cottages qui ne le sont pas moins. Ensuite, nous traversons encore d’autres villages typiques comme Mottistone, Hulverstone, Totland … Le sud de l’île est aussi la partie la plus agricole de Wight avec des fermes lovées dans le creux des vallons où paissent chevaux, moutons et vaches à longue frange.


Puis, nous arrivons à « Alum Bay », située à l’extrémité ouest de l’île et d’où on extrait l’alun. Sa particularité géographique est remarquable : ses falaises de grès se terminent par trois stacks en forme d’aiguilles, appelés pour cette raison « The Needles » (les Aiguilles) et qui sont sans doute l’emblème le plus célèbre de l’île. De la falaise, nous prenons un télésiège pour faire un tour en bas. La descente est impressionnante, très pentue, mais la vue est magnifique. C’est un régal pour nos amateurs photographes !


Pour le dîner, nous nous dirigeons vers Yarmouth, une toute petite ville connue pour ses maisons en pierres ses voiliers et son front de mer. Le château de Yarmouth n’a de château que son nom ; c’est une petite forteresse construite en 1547 par le Roi Henri VIII pour protéger le détroit du Solent des attaques françaises. En revanche, la jetée, avec ses 186 mètres de long, est encore aujourd’hui la plus longue jetée en bois de l’Angleterre.

Une des raisons pour laquelle nous voulions aller sur l’île de Wight est évidemment la visite d’Osborne House, ancienne résidence de vacances de la Reine Victoria. Durant le trajet, Laurent raconte l’histoire de Mohammed Abdul Karim, employé musulman de la Reine et connu comme « le Munshi » (enseignant). Il a conquis l’affection de la souveraine au cours des quinze dernières années de son règne. Ceci a conduit à des frictions au sein de la Cour et Edouard VII, le successeur de Victoria, a renvoyé Karim en Inde et a ordonné la confiscation et la destruction de sa correspondance avec la Reine. Persiste juste l’un ou l’autre portrait de Karim perdu parmi de nombreux autres portraits exposés à la fin de la visite de la résidence.

Soyons honnêtes, comme résidence secondaire, ce n’est pas mal ! Osborne House est située à Cowes dans un des panoramas les plus splendides de la côte de l’Ile de Wight. Après son acquisition en 1845, il a fallu trois ans pour mener à bien les travaux d’agrandissement et d’aménagement selon le goût de Victoria et sur la base des plans dessinés par l’époux de cette dernière, le Prince Albert. Tous les souverains européens ont eu le privilège de goûter à l’ambiance décontractée d’Osborne House. Après la mort de son mari en 1861, Victoria a continué à y séjourner pendant les fêtes de fin d’année. C’est d’ailleurs dans ces circonstances que la souveraine décéda en 1901.

A l’intérieur du logis royal, tout semble attendre le retour des propriétaires. Les pièces de réception, dans une débauche d’or, de marbre et de soie, regorgent d’œuvres d’art et de souvenirs du vaste empire de la Reine Victoria. N’oublions pas que Victoria portait également le titre d’Impératrice des Indes. Pas étonnant donc qu’on ne peut pas faire un pas dans le « Durbar Room », décoré à l’orientale, sans y voir un vase en argent, un tapis Agra ou un palais indien miniature. Si l’escalier est majestueux, le moment « waouh » de notre visite est sans aucun doute la salle à manger : ici, les murs et les plafonds sont sculptés minutieusement comme de la dentelle.

Dans les étages supérieurs, on pénètre l’intimité du couple en parcourant les pièces privées au mobilier bourgeois et aux tissus fleuris. On se retrouve plongé dans l’ambiance d’une maison de famille qui comptait neuf enfants. Tout est montré, y compris les salles de bains et aussi l’ascenseur de la Reine, installé en 1890 avec un ingénieux système de contrepoids et actionné par des valets qu’on imagine plutôt musclés.

Le Prince Albert adorait l’endroit et c’est lui qui a veillé aux aménagements des vastes jardins à l’italienne. On croirait un morceau d’Italie installé au beau milieu d’une île anglaise ! Les jardins en terrasses sur lesquels s’ouvre le palais sont retenus par un balustre semé de vases Médicis qui débordent de fleurs.


L’ensemble relié par un jeu d’escaliers et de fontaines s’ouvre sur le parc, réduit aujourd’hui à 600 hectares contre 2.400 hectares à l’origine, et qui descend jusqu’à la mer. Le parc offre d’ailleurs deux autres curiosités : d’une part, le chalet suisse construit pour les enfants, sorte de maison de poupée où ils apprenaient à jardiner et à cuisiner sur des petits fourneaux adaptés à leur taille et, d’autre part, la plage avec une étonnante roulotte qu’on descendait dans l’eau pour permettre à Victoria de se baigner sans être vue …

C’est ici que nous disons au revoir à la Reine, sans pour autant quitter Wight tout de suite car nous sommes attendus au « Albert Cottage Hotel » pour un dîner un peu festif, un moment décontracté avec la bonne humeur au menu. Utilisé par la plus jeune fille de la Reine Victoria à la mort de sa mère, ce petit manoir est à présent un hôtel de charme et un restaurant réputé. Après un bon repas, nous reprenons le ferry qui nous ramène à Portsmouth. De là, il ne reste plus qu’un petit bout de chemin avant de regagner notre hôtel sur Hayling Island.