dernière mise à jour 28/07/17

 
2017
 

 

Musées de la chicorée à Orchies et de la Piscine à Roubaix

 

Gembloux, le 25 juillet 2017

 

Bonjour à toutes et à tous,

L’excursion de ce 13 juillet 2017 nous a amenés dans le nord de la France et plus précisément le matin à Orchies et l’après-midi à Roubaix. Une fois de plus, la météo nous a gâtés et nous étions 45 Copines et Copains pour cette sortie. C’était Serge qui se trouvait au volant du car étant donné que Thierry était en vacances bien méritées.

Après un arrêt café/thé près de Mons, nous nous sommes rendus d’abord à « La Maison Leroux », entreprise située au cœur d’Orchies et étroitement liée à l’histoire de la chicorée. D’ailleurs, Orchies est souvent considérée comme étant la capitale mondiale de la chicorée. C’est une petite ville d’environ 8.500 habitants dont, curieusement, le nom jeté est « les Pourchots », signifiant « porcs » en picard.  

La Maison Leroux s’appuie sur plus de150 ans d’histoire et d’envie de partager son savoir-faire. En effet, Alphonse Henri Eugène Leroux (1866-1947) a été le premier à réunir des objets liés à la chicorée. Dès 1904, il a envisagé d’ouvrir un musée. Ses fils, Alain (1907-1999) et Robert (1909-2000) ont poursuivi le projet et ont réuni ce qui fait aujourd’hui la richesse des collections. Il a néanmoins fallu attendre octobre 1998 pour qu’enfin le Musée de la Chicorée ouvre ses portes au public.

La visite guidée de l’exposition nous a fait découvrir la grande aventure de la chicorée depuis sa culture jusqu’aux techniques marketing et publicitaires utilisées pour sa commercialisation. Nous avons pu admirer plusieurs centaines d’objets retraçant l’histoire de cette plante emblématique du Nord. Ici, faïences d’apothicaires datant du XVIe au XVIIIe siècles, photographies, plaques émaillées, affiches, packagings, boîtes en fer, outils … témoignent du chemin parcouru de la filière de la chicorée et de son utilisation par l’homme.

En quelques mots, la plante (Cichorium intybus) fait partie de la même famille que la scarole, la frisée et l’endive ou le chicon ; la racine de chicorée, dont Leroux a fait de la torréfaction son domaine d’expertise, est tout simplement une variété différente de celle du chicon Witloof. Les semis sont effectués au printemps et la récolte se déroule à l’automne. La chicorée préfère les terres sablonneuses plus adéquates à son développement. Seules les racines sont utilisées pour confectionner les grains. Elles sont coupées en fines lamelles que l’on appelle « cossettes » avant d’être séchées, torréfiées, concassées et transformées en grains ou réduites en poudre. Les applications sont multiples et ses vertus médicinales sont nombreuses, en particulier ses vertus digestives. La chicorée était déjà mentionnée chez les Egyptiens (papyrus), les Grecs (Aristophane) … Au Moyen Age, Charlemagne la comptait dans l’inventaire des plantes médicinales. En 1795, le café se faisant rare et cher en raison des guerres révolutionnaires, il a été remplacé par la racine de chicorée torréfiée.

Au XIXe siècle, la production industrielle s’est appuyée sur la standardisation du conditionnement (paquets) et l’invention des réclames ; les ventes ont alors pris un essor considérable, jusqu’aujourd’hui encore.

Après la visite du musée situé dans un bâtiment contemporain entièrement vitré et offrant une vue magnifique sur le jardin, le guide nous a emmenés dans la demeure familiale des industriels Leroux. Cette grande maison bourgeoise, typique des maisons de maître de la fin du XIXe siècle, mêle architecture ancienne et contemporaine.

Entre-temps, nous avons eu une petite dégustation de la boisson accompagnée, comme il se doit, par un morceau de galette … à base de chicorée. Enfin, nous nous sommes installés dans les fauteuils confortables de la salle de projection pour visionner une vidéo résumant l’ensemble de l’histoire de la chicorée et de celle des célèbres Leroux.

 Ce petit voyage dans le monde de la chicorée s’est terminé en passant bien sûr par la boutique où nous avons trouvé de la chicorée en grains, de la chicorée aromatisée, du pâté et saucisson à la chicorée, des cookies à la chicorée ou encore de la bière à la chicorée … N’oublions pas que l’on appelle la chicorée également le « café des ch’tis » !

Après cette visite très intéressante et instructive, Serge nous a menés à Roubaix où nous avons pris le repas de midi, lui aussi imprégné d’une légère touche ch’ti.

Du restaurant, nous nous sommes rendus à pied à « La Piscine, musée d’art et d’industrie André Diligent ». Lorsqu’en 1932 l’architecte lillois Albert Baert construisit la plus belle piscine de France avec ses ailes de bains publics, il ne se doutait pas que son chef-d’œuvre art déco deviendrait un musée. Pourtant, ce fut chose faite en 2001. Le bâtiment de l’ancienne piscine, à l’architecture et au charme intacts, forme aujourd’hui le plus bel écrin qui soit pour la magnifique collection d’œuvres d’art du musée. Labellisé « patrimoine du XXe siècle », le site actuel respecte la totalité des anciens espaces.

L’accueil et la salle d’expositions temporaires ont pris place dans l’ancienne usine tandis que le bassin accueille les sculptures décoratives qui bordent une lame d’eau préservée. Autour de cette grande nef, les anciennes cabines de douche constituent des salles d’expositions inédites où sont présentées des collections de céramique, arts appliqués, textile et mode. Les ailes des anciennes salles de bains abritent quant à elles les collections de peinture et sculpture des XIXe et XXe siècles. Enfin dans l’ancienne salle de filtration des eaux, une partie des cuves est toujours visible. En fait, à aucun moment on a l’impression de se trouver dans un musée …

Cette après-midi, la visite guidée était essentiellement centrée sur les « femmes artistes ». Force est de constater le peu de présence et de reconnaissance de la femme dans l’histoire de l’art. Ecartées de la sphère publique, ignorées en tant que créatrices, les femmes artistes ont longtemps travaillé dans l’anonymat.

Complètement oubliées par l’histoire de l’art, elles ont dû lutter pendant des siècles pour voir leurs œuvres reconnues et exposées et faire leur apparition sur le marché de l’art. Pourtant, de tout temps, les femmes artistes ont créé ! C‘est seulement à partir du début des années ’60 qu’elles ont commencé à imposer leur présence de manière significative et irréversible dans le monde de l’art et cette présence accrue a coïncidé avec les mouvements de libération de la femme et la consolidation des mouvements féministes. Pour nous, deux guides « féminines » ont rebobiné l’histoire des femmes artistes à l’aide d’une panoplie d’œuvres bien caractéristiques. Bien entendu, ci-après ne sont citées que quelques femmes artistes d’avant-garde dont les œuvres sont exposées à La Piscine. A commencer par Tamara de Lempicka (1898-1980). D’origine polonaise, elle occupe une place à part dans l’art du XXe siècle : ses œuvres évoquent et reflètent le style art déco et la mode des années folles de l’entre-deux-guerres. On retiendra également qu’elle était un personnage audacieux, provocant, homosexuel, excentrique … et ses toiles célèbrent la volonté d’émancipation des femmes de son temps. Le regard de la fille représentée sur le tableau « La Communiante » n’a laissé personne parmi nous indifférent.

Et puis il y a bien sûr Camille Claudel (1864-1943). Dès l’adolescence, elle a des dispositions évidentes pour la sculpture que son père encourage. Mais son caractère déjà bien trempé ne va pas sans contrarier sa mère, personnage dur et autoritaire. Quand l’adolescente déclare un jour vouloir embrasser une carrière artistique, la famille lui rétorque : « Tu ne vas tout de même pas faire de la sculpture, alors que ce métier n’a pas de féminin ! ». Mais elle persiste et, en 1883, elle devient à 19 ans l’élève de Rodin, lui-même alors âgé de 43 ans. D’abord modèle du maître, puis collaboratrice, les dons de cette jeune élève bouleversent le maître. C’est rapidement l’amour fou entre les deux artistes, la rencontre de deux êtres d’exception qui savent leur singularité, sinon leur génie. Parmi les créations de Camille Claudel, nous retiendrons tout particulièrement la sculpture de « La Petite Châtelaine », vision absolue des inquiétudes de l’enfance, qui est assurément le chef-d’œuvre iconique des collections de La Piscine. C’est sans doute la réalisation la plus aboutie de Claudel et dans laquelle on retrouve une volonté farouche de l’artiste de se différencier de Rodin dont elle se sépare alors. Et c’est pendant ces années de recherches frénétiques qu’elle signe ses plus belles œuvres.

Il faut encore citer Rosa Bonheur (1822-1899), une pionnière qui fut la première femme peintre à recevoir la légion d’honneur soulignant que « le génie n’a pas de sexe ». Elle est connue pour les représentations de sujets animaliers avec notamment « L’Histoire de mon Chien » exposé à La Piscine. Il y a aussi Marguerite Gérard (1761-1837) pour qui « La Tendresse Maternelle » (toile exposée) et la maternité sont des thèmes de prédilection. Ou encore la sculptrice Cléo Beclemicheff (1898-1976) avec ses réalisations en grès et en bronze, notamment avec « La Première Tentation » …

Mais le long de notre parcours, nous nous sommes également arrêtés devant plusieurs peintures d’artistes masculins illustrant de façon remarquable la condition féminine.


Loin d’être exhaustif, voici quelques exemples : « Au Café » de Léonard Foujita montrant une femme assise dans un bistrot parisien, « Le Serpent » d’Eugène-Robert Poughéon à la facture hyperréaliste mais à la thématique surréaliste faite de chevaux qui se cabrent et de femmes nues en extension, « Rédemption » de Julius S. Stewart, tableau très abouti d’un peintre peu connu développant la formule du « Sacré dans le Salon » qui fit florès à la fin du XIXe siècle, « Esclaves à vendre » de J.-Léon Gérôme montrant une femme blanche debout, nue avec une longue chevelure brune et, à côté, une femme noire assise sur le sol. Sur le passage, nous avons aussi pu admirer « Les Cygnes » de Marius Avy (1871-1940), « Sur la Plage » de Charles Hoffbauer (1875-1975) et bien d’autres.

La superbe collection de sculptures est un élément fort du parcours que les guides nous ont réservé pour la fin. Les nombreuses œuvres spectaculaires créent un véritable jardin de sculptures dans le vaste volume du grand bassin.

Globalement, La Piscine nous a laissé une impression tout à fait exceptionnelle, étonnante et originale. Evidemment, nous n’avons pu voir qu’une petite fraction de la riche et immense collection qu’il détient. Par ailleurs, le parcours placé sous un thème sociétal particulier et toujours d’actualité nous a changé des visites ordinaires et a mis en évidence des œuvres et des artistes certes moins connu(e)s, mais particulièrement intéressantes et révélatrices de la place des femmes dans l’histoire de l’art.

Après cette belle journée débordant de découvertes, nous avons pris un café ou une bière rafraîchissante accompagné(e) d’un petit buffet particulièrement bien muni en gourmandises. Puis il était temps de reprendre la route en direction de Gembloux.

En vous souhaitant bonne lecture et à bientôt, je vous adresse toutes mes amitiés