« Oser
        s’ouvrir quand tout se ferme ».
       
      Gembloux, le 4 novembre 2017
      Bonjour à toutes et
        tous,
       
      Pour la reprise de
        la saison des conférences, nous étions 87 pour écouter l’abbé Gabriel
          Ringlet, professeur émérite à l’Université Catholique de Louvain, qui
        nous a parlé d’une question éminemment actuelle et essentielle : au moment
        où sur tant de plans (familial, scolaire, économique, politique, religieux …),
        la fermeture semble l’emporter, ne faut-il pas prendre l’initiative et le
        risque de l’élargissement ? Le titre de son exposé était : « Oser s’ouvrir quand tout se ferme ».
        Mais oser s’ouvrir à quoi ? L’abbé Ringlet a proposé d’ouvrir l’espace de
        notre tente à l’actualité, à la fragilité et à l’intériorité ou la
        spiritualité. 
      S’ouvrir à
        l’actualité. 
      Le découragement, la lassitude et la
        fermeture semblent l’emporter. Les sectes et l’extrême droite, les intégristes
        et les fondamentalistes en jouent avec habileté et ont développé l’art
        d’envahir les médias et de communiquer sur internet et les réseaux sociaux. Le
        financier nous écrase, le politique parle la langue de bois et le religieux éteint.
        Si la qualité d’une démocratie se juge à sa qualité d’ouverture à l’autre, force
        est de constater que nous vivons un moment très difficile de notre histoire et de
        notre démocratie, à un moment où la peur de l’autre est particulièrement
        grande, l’autre qui peut être le jeune, qui peut être le vieux, qui peut
        être le mourant, qui peut être le demandeur d’asile, le juif, le musulman, le
        chrétien, le   laïc …, l’autre. Nous
        vivons à une période où, à la fois, des gens très différents dialoguent entre
        eux et, en même temps, il y a beaucoup de rejets de gens qui ne sont pas comme
        « moi ». Alors, comment exister quand tout se ferme ?  
      Pour essayer de voir
        un peu plus clair face à ces questions, l’Université catholique de Louvain a
        réalisé deux enquêtes auprès de jeunes de 18 ans et de 21 ans. Ces enquêtes
        portaient sur les valeurs vécues des étudiants. Pour en résumer les conclusions
        en deux mots, on peut dire : sens et quotidienneté. Voici quelques
        éléments qui se dégagent très nettement. D’abord, une méconnaissance et une
        mise à distance du monde du travail qui apparaît comme obscur et
        incertain : on a terriblement peur de demain et par conséquent on tente de
        ne pas y entrer trop vite (phénomène « Tanguy »). Ensuite, il y a un
        immense besoin de relations affectives que l’on voudrait fortes et durables. Un
        troisième élément, c’est une insistance sur le proche, sur l’immédiat, avec
        tout ce que cela suppose de concret, d’immédiat. Enfin, on constate une affirmation
        de la responsabilité personnelle : des actes, s’il vous plaît, et pas des
        paroles !
      A travers ces
        enquêtes, il est beaucoup question du respect des droits de l’Homme, du respect
        de l’environnement et du développement durable, qui sont des valeurs très
        portées par les jeunes d’aujourd’hui. On sent finalement qu’un double mouvement
        traverse ces réponses : le besoin de se trouver – aller vers soi – et le
        besoin d’altérité – aller vers l’autre. En tout cas, aucun grand projet
        contestataire ne se dégage. 
      Ensuite, le
        conférencier relate son voyage à Auschwitz avec plus de 500 jeunes : 300
        Israélites, 100 Palestiniens et 100 Européens (juifs, musulmans, chrétiens et
        laïcs). A l’issue de ce voyage, ils ont gardé le contact entre eux et, quoi
        qu’ils fassent dans leur vie à travers le monde, tous ces jeunes se sont
        engagés dans la lutte pour la paix dans le monde. Donc, lorsqu’on propose un
        projet mettant en valeur de très grandes options d’humanité, les jeunes suivent
        pour autant que ce soit très concret. 
      Il ne faut pas
        diaboliser l’individualisme des jeunes ! On a beaucoup trop de jugements
        négatifs à leur égard et les adultes sont souvent des rabat-joie. Pourquoi se
        méfier du monde ? Au contraire, soyons plutôt des prophètes de la joie et
        de l’ouverture du monde.
      S’ouvrir à la fragilité. 
      Une des questions posées aux étudiants dans l’enquête susmentionnée
        portait sur leur image du professeur idéal. Pour eux, il doit être compétent,
        passionné, capable de communiquer sa passion, avoir de l’humour, accepter les
        contacts personnels, s’engager dans une relation de distance-proximité … Les
        jeunes recherchent des figures emblématiques et des repères à travers les
        femmes et les hommes de notre temps. 
      Pourtant par les
        temps qui courent, comment savoir où est le gourou et où est le maître ? Les
        jeunes un peu fragiles sont victimes du discours pervers de certains adultes.
        Le pervers s’acharne à convaincre l’autre que Lui éprouve la parfaite
        jouissance. Or, le salut et le bonheur ne sont pas dans la négation des
        failles, mais dans leur joyeuse reconnaissance. 
      Pourquoi
        demandons-nous à nos enfants de nous singer ? Voici les paroles d’un
        philosophe ami du conférencier : « La nature fait bien les choses qui
        souvent dressent les fils contre la sagesse des pères. Réjouissez-vous
        concrètement de leur insolence ». Il est urgent aujourd’hui de casser le
        cercle infernal de toutes les duretés et d’éduquer à la fragilité. Il n’y aura
        jamais une vie réussie sans un consentement au manque qui est en nous. Nous
        sommes tous plein de blessures, de fragilités ; ce n’est pas grave. Par
        contre, ce qui est grave c’est de les cacher. En chaque femme et chaque homme,
        aussi vulnérables qu’ils soient, il y a une ouverture vers quelque chose de
        plus grand. Il faut rajeunir spirituellement !
      S’ouvrir à
        l’intériorité, à la spiritualité.
      Il est grand temps
        qu’on cesse de confondre le spirituel et le dévotionnel. La vie spirituelle
        consiste à rester vivant pour plus large que Soi. L’invention de l’Homme n’est
        pas terminée. Si nous ne sommes pas vivants au moment de notre mort, nous ne le
        serons jamais. Le XXIe siècle sera spirituel et laïc ou il ne sera
        pas. La vie intérieure consiste en une vie très concrète et qui ne s’éloigne
        jamais de notre quotidien. Une véritable spiritualité laïque invente une
        intensité de vie qui fait circuler la joie de vivre. Parler sa propre parole.
        Rejoindre sa vérité la plus secrète. Redevenir jeune … même si on est déjà
        âgé !
      À la fin de son
        exposé, le conférencier cite d’abord quelques témoignages avant d’illustrer ses
        propos par deux petites allégories : celle de la « salade de fruits » (fruits et jus
        mixés → goût global et standardisé du mélange ; coupés en dés
        → c’est meilleur, on distingue le goût des différents fruits …) et la
        légende de la « tartaruga »
        (la tortue) qui, après un chemin risqué et tumultueux en pleine nuit, s’exclame
        enfin « Mais pour la première fois, je vois les étoiles » !
      Les échanges qui ont suivi ont révélé que
        cette conférence a sans aucun doute soulevé autant de questions qu’elle n’a
        apporté de réponses. Et les discussions se sont encore poursuivies pendant le
        petit goûter et probablement bien au-delà …
      Dans l’attente de vous revoir fin novembre
        pour la prochaine conférence, je vous adresse toutes mes amitiés  
       

      