dernièrre mise à jour 12.03.2017

 
2017
 

 

« Histoire des étrangers et de l’immigration en Belgique »
par Mme Anne Morelli, Professeur à l'ULB

 

Gembloux, le 17 février 2017

 

Bonjour à toutes et tous,

 

Pour cette la conférence de février, j’avais invité Madame Anne Morelli, docteur en histoire et directrice adjointe du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité de l’U.L.B. Elle est venue nous parler d’un sujet qui remplit malheureusement encore et toujours les pages d’actualité : « L’histoire des étrangers et de l’immigration en Belgique ». Pendant une heure, elle nous a fait un exposé passionnant dont voici un bref aperçu.

Depuis la Préhistoire, les hommes ont voyagé à travers le monde. Petit à petit, ils ont créé des pays et inventé des frontières. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde est resté « coincé » dans un pays ou son territoire. Certains ont décidé de quitter leur pays pour trouver des conditions de vie meilleures : on les appelle les immigrés.

Il y a environ 7.000 ans, des agriculteurs d’une région qui correspond maintenant à la Hongrie, sont venus s’implanter dans nos contrées. Madame Morelli nous a d’ailleurs montré le courrier qu’elle a reçu d’une association hongroise qui étudie tout particulièrement cette migration de l’époque. Nos ancêtres sont aussi des Gaulois et des Germains, des Romains, des Francs … Au Moyen Age, des pèlerins, des commerçants, des étudiants et des artistes ont voyagé dans toute l’Europe. Dans notre pays comme dans tous les autres, tout le long de l’Histoire, des populations différentes se sont mélangées et la population actuelle, c’est-à-dire « nous », est le résultat de ces mélanges. Notre façon de vivre, de manger, notre langue, notre alphabet et nos mathématiques, nos arts et même nos yeux bleus, bruns, verts ou noirs proviennent des quatre coins du monde.

L’immigration n’est donc pas du tout un phénomène nouveau ! De tout temps, certains ont décidé de quitter leur pays pour trouver des conditions de vie meilleurs : les immigrés. D’autres sont partis pour échapper à la guerre, à un dictateur … : ce sont les réfugiés. Pendant le XIXe et au début du XXe siècles, les immigrés sont surtout venus des pays voisins : la France, la Hollande, l’Allemagne et le Grand-Duché de Luxembourg. C’est normal car lorsqu’on veut quitter son pays et aller travailler à l’étranger, on pense d’abord aux pays qu’on connaît bien. D’un autre côté, beaucoup de Belges sont aussi partis travailler ailleurs et, au XIXe siècle, les Belges qui partaient étaient plus nombreux que les étrangers qui arrivaient.

Pendant l’entre-deux-guerres, les ouvriers belges n’étaient plus disposés à descendre dans les mines de charbon ni de faire des corvées pénibles. Les usines ont alors fait appel à des travailleurs étrangers venant en grande partie d’Italie et des pays de l’Est (Pologne, Tchécoslovaquie et Yougoslavie) et, dès 1920, les gouvernements ont organisé l’immigration.

Après la seconde Guerre mondiale, en 1946, la Belgique a signé un accord avec le gouvernement italien : l’Italie enverra des milliers d’hommes travailler dans les charbonnages belges. Les conditions de travail, mais aussi les logements étaient très pénibles. Et puis, en 1956, il y a eu le grave accident du Bois du Cazier où 262 mineurs, dont 136 Italiens, ont perdu la vie. Ceci a poussé le gouvernement italien à suspendre l’immigration vers la Belgique. Les usines belges font alors venir leur main-d’œuvre d’Espagne et de Grèce.

Pendant les années ’60, les « Golden Sixties », il y avait assez de travail pour tout le monde. Les usines avaient besoin de beaucoup de main-d’œuvre et engageaient à nouveau des immigrés. A cette époque aussi, un grand nombre d’étrangers sont arrivés en Belgique et, cette fois, ils venaient du Maroc et de la Turquie.

A partir des années ’70, le nombre d’immigrants a diminué parce qu’il y avait moins de travail et que beaucoup de gens se retrouvaient au chômage. En 1974, le gouvernement a décidé que les étrangers ne pouvaient plus émigrer vers la Belgique, sauf ceux qui venaient retrouver leur famille déjà installée. De plus, les chômeurs étrangers étaient encouragés de retourner dans leurs pays : on leur donnait même de l’argent s’ils décidaient de partir. C’est ici que l’on s’est rendu compte que ces étrangers arrivés en Belgique n’avaient plus l’intention de retourner dans leur pays : ils étaient mariés avec des Belges, ils avaient leur maison, leurs enfants étaient nés ici et ils fréquentaient l’école ici ; certains avaient acquis la nationalité belge … Bref, bon nombre d’entre eux avaient parfaitement réussi leur intégration !

En conclusion, on peut dire que dans la Belgique actuelle, grosso modo, un citoyen sur dix n’a pas la nationalité belge et ce pourcentage est encore supérieur dans la partie francophone du pays. Et si, dans l’ensemble de la population, on comptabilise ceux qui ont un ascendant étranger parmi leurs quatre grands-parents, le pourcentage vraisemblable de la population ayant des origines étrangères se situe autour de 25 %.

C’est la logique économique qui a toujours impliqué et continue à impliquer l’utilisation de la main-d’œuvre la moins chère. C’est d’ailleurs pour cela que l’on assiste actuellement à des délocalisations de certaines entreprises vers d’autres régions du monde. Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces étrangers ne sont pas venus « voler » le travail aux Belges. Bien au contraire, ils ont accepté des tâches que les Belges ne voulaient plus effectuer et, on ne le soulignera pas assez, ils ont largement contribué à faire de la Belgique ce qu’elle est maintenant !

L’après-midi fut un peu plus longue que d’habitude et nous étions contents de rejoindre les tables pour prendre une jatte de café ou de thé avec un bon morceau de tarte.

En vous souhaitant bonne lecture, je vous adresse toutes mes amitiés